Représentation n La Question a replongé le spectateur dans cette atmosphère sordide et inhumaine d'une salle de torture. La salle est plongée dans le noir. Une voix s'élève de loin puis se rapproche lentement. De plus en plus forte. La voix déclame le chant patriotique Mine djibalina. Puis ce sont les premières lignes du pamphlet d'Henri Alleg, La Question, qui sont «dites» sur scène : «Dans cette immense prison surpeuplée dont chaque cellule abrite une souffrance, parler de soi est comme une indécence.» Le décor est planté. Le spectacle peut commencer. L'adaptation théâtrale du témoignage d'Henri Alleg, La Question, présentée dernièrement au Centre culturel algérien (CCA) à Paris, a replongé le spectateur dans cette atmosphère sordide et inhumaine d'une salle de torture, crime pratiqué à grande échelle par l'armée française durant la Guerre de Libération nationale. La victime, Henri Alleg, qui témoigne de sa triste expérience après avoir été arrêté en juin 1957 par les parachutistes de la 10e D.P, lutte à la fois contre la douleur qui le taillade, contre ses tortionnaires qu'il défie et humilie par son courage et contre la peur de trahir les siens, en «crachant le morceau» et en passant aux aveux. Dans un décor dénudé et à l'aide de divers accessoires «ordinaires», comme une table roulante en métal, une paillasse, une caisse métallique, quelques bouteilles et une petite loupiotte, Laurent Gernigon a su captiver les spectateurs par son jeu scénique et en occupant tout l'espace des planches du CCA. C'est avec ces objets qu'il établit un dialogue avec les autres protagonistes «absents mais présents». Les tortionnaires sont représentés par les bouteilles dont les formes et les tailles symbolisent leurs grades et leurs responsabilités. Dans ce spectacle, la lumière occupe une place importante dans le jeu scénique. De nombreuses sources sont utilisées : de la petite loupiote à un éclairage d'ensemble avec des projecteurs puissants. Cette pièce est d'une actualité brûlante. Même si les événements qu'elle relate remontent à plus de cinq décennies, elle pose une problématique actuelle d'une portée universelle comme le montre ce qui s'est passé à la prison d'Abou Ghrib (Irak) ou à Guantanamo. La Question s'achève, comme elle avait débuté, dans l'obscurité, avec ce poignant chant patriotique Mine djibalina, jaillissant du noir.