Résumé de la 35e partie n Tommy fixa Sheila d'un air dubitatif. Il se dégageait d'elle une étonnante force… Pour une idée – simplement parce qu'il s'était monté la tête avec tous ces Irlandais. Pourquoi n'est-il pas resté tranquillement chez lui, à s'occuper de ses petites affaires ? Pour les uns, c'est un martyr, et pour les autres un traître. Mais moi, je pense qu'il s'est seulement conduit... comme le dernier des imbéciles ! Tommy sentait que toute une révolte longtemps refoulée montait aux lèvres de la jeune fille. — Alors, c'est ça, le fantôme avec lequel vous avez grandi ? demanda-t-il. — Un fantôme, tout à fait. Ma mère a changé de nom. Nous avons vécu en Espagne pendant pas mal d'années. Alors elle raconte toujours que mon père était à moitié Espagnol. Où que nous allions, nous débitions des mensonges. Nous avons traîné nos guêtres un peu partout sur le Continent. Et en fin de compte nous avons fini par atterrir ici, par ouvrir cet hôtel... et j'ai l'impression très nette que c'est vraiment ce que nous avons fait de plus affreux jusqu'à présent. — Et quel est le sentiment de votre mère sur… sur ces problèmes ? — A propos de la mort de mon père, vous voulez dire ? Elle resta un instant silencieuse, étonnée, le front plissé. — Je ne l'ai jamais su. Elle n'en parle jamais. Ce n'est pas facile de savoir ce que ma mère éprouve, ou ce qu'elle pense. Tommy se contenta de hocher la tête. — Je... je ne sais pas pourquoi je vous ai parlé de tout ça, jeta-t-elle. Je suis montée sur me grands chevaux. Comment en sommes-nous venus là, déjà ? — Une petite discussion sur Edith Cavell. — Ah ! oui... le patriotisme. Je vous ai dit que je ne pouvais pas l'encaisser. — Est-ce que vous n'auriez pas un peu négligé les paroles mêmes de miss Cavell ? — Ses paroles ? — Oui. Savez-vous ce qu'elle a dit avant de mourir ? Elle a dit : Le patriotisme ne suffit pas. Je ne dois pas avoir de haine dans le cœur. — Oh !... Elle resta un instant immobile, comme frappée par la foudre. Puis, pivotant sur les talons, elle disparut dans l'ombre du jardin. — Alors, tu vois, Tuppence, tout semble coller. Tuppence, songeuse, hocha la tête. Autour d'eux, la plage était vide. Elle s'était allongée, le dos appuyé à un brise-lames sur la crête duquel Tommy avait cru bon de se nicher – histoire de repérer quiconque pourrait s'approcher du front de mer. Non qu'il craignît réellement quelque rencontre embarrassante, car il avait pris soin de s'assurer auparavant de l'emploi du temps des pensionnaires de l'hôtel pour cette matinée. De plus, Tuppence et lui avaient donné à leur rendez-vous toutes les apparences d'une rencontre fortuite, aussi plaisante pour Mrs Blenkensop qu'un peu inquiétante pour Mr Meadowes. (à suivre...)