Initiative n Delta Creatia est une jeune maison d'édition créée en 2007. Son champ d'action est l'audiovisuel. «Nous nous sommes fixé comme mission de donner la possibilité aux artistes algériens - qui ont quelque chose à donner au plan musical et dont leur produit ne cadre pas avec les contraintes commerciales du marché - d'enregistrer des albums» dira Ouahid Mohamed Sahnoun, responsable des relations presse auprès de Delta Creatia, dont le directeur artistique est Bruno Morana Atar. On entend par contraintes commerciales, «tout produit artistique qui ne peut être commercialisé à grande échelle», explique-t-il. Et de poursuivre : «Le but n'est pas d'enregistrer n'importe quel artiste. Nous travaillons sur un produit tant sur le plan artistique que technique», ajoutant que le souci de Delta Creatia est de veiller, outre sur la qualité, sur les compétences et les talents. L'aventure artistique de Delta Creatia commence par l'enregistrement de El-baaz, un CD signé Abdelkader Chaou. Interrogé sur le choix de Abdelkader Chaou, Ouahid Mohamed Sahnoun dit : «Abdelkader Chaou nous a semblé comme étant le dernier maître restant du chaâbi. A lui seul, il représente encore, et au bout de quarante années de carrière musicale, la culture urbaine, voire citadine.» Ouahid Mohamed Sahnoun, pour qui Abdelkader Chaou est une personne très ouverte et curieuse, estime que le cheikh n'est pas passé de mode. «Il est hors de mode», souligne-t-il. S'exprimant ensuite sur le choix du chaâbi, Ouahid Mohamed Sahnoun explique : «Notre rencontre avec le chaâbi est venue lorsqu'on a eu le privilège de restaurer, en 2007, les bandes sons originales d'El-Hadj M'hamed El-Anka.» «C'est un travail commandé par le ministère de la Culture», explique-t-il. Ouahid Mohamed Sahnoun indique que «restaurer des bandes sons originales est une première en Algérie» et que «le travail de restauration, du point de vue technique et artistique, s'est littéralement révélé une performance». Cela a été aussi un défi, car «c'était un véritable travail de fourmis». Interrogé sur la ligne éditoriale de Delta Creatia, Ouahid Mohamed Sahnoun dira : «En fait, notre boîte n'a pas une orientation musicale précise. On s'intéresse à toutes les musiques, à condition qu'elles soient de qualité et recherchées.» Et de renchérir : «On ne cherche pas à vendre la matière. Notre souci est d'abord artistique.» Ainsi, les mots d'ordre de Delta Creatia sont professionnalisme et rigueur, déplorant les pratiques de piraterie qui, sévissant dans ce domaine-là, nuisent, à coup sûr, à l'art en général et à la profession en particulier. Interrogé sur la réalité musicale algérienne, Ouahid Mohamed Sahnoun, pour qui «il est nécessaire d'avoir une conscience de notre musique» afin d'entretenir notre héritage musical et notre legs patrimonial qui sont notre mémoire collective, dira : «Il y a toujours des artistes ayant quelque chose à donner', avant d'ajouter : «Il y a autant de musiques que de régions.» S'exprimant sur le manque de recherche artistique et de créativité musicale, notre interlocuteur constate : «S'il n'y a pas de recherche, c'est simplement parce qu'il n'y a pas de moyens matériels et humains.» Cela revient immanquablement et indéniablement à dire qu'une création nécessite du temps, de l'argent et de la réflexion. «Aujourd'hui, pour qu'un artiste vive de son art, il doit vendre, c'est-à-dire s'inscrire dans une démarche et une logique commerciales.» On n'a plus alors le temps ni à la réflexion ni à la création. ce qui prime aujourd'hui, et c'est d'ailleurs la loi du marché, c'est de vendre. Aussi bien les producteurs que les artistes misent sur la rentabilité plutôt que sur le contenu artistique ou encore sur la qualité technique. L'art devient alors commercial, voire consommable. l Delta Creatia s'est associée à l'établissement Arts et Culture de la wilaya d'Alger, et ce, pour promouvoir les jeunes talents en leur donnant la possibilité d'entamer une carrière musicale par l'enregistrement d'un album selon les normes internationales et sa promotion et en Algérie et en Europe. Cette association se traduit par la prise en charge des lauréats du concours musical lancé par cet établissement en direction des jeunes talents. Ce concours touche tous les genres, allant du jazz au gnaoui, en passant par le flamenco, le hip-hop, le blues… Enfin, Delta Creatia, outre l'enregistrement d'El-baaz de Abdelkader Chaou, a d'autres projets comme l'enregistrement de Magic de T34 et d'un autre album de Djamel Izli. «Cet artiste fait dans l'exception musicale», explique Ouahid Mohamed Sahnoun. Et d'ajouter : «Son style de musique est particulier, il y a un mélange de la tradition mozabite et de la modernité, mais avec une touche personnelle, exceptionnelle.»