Toujours au XIXe siècle, un autre auteur, le philosophe belge, J. Lebœuf, s'intéresse au rêve lucide. Il n'a pas consulté l'ouvrage d'Hervey de Saint-Denis, mais il suit un parcours identique au sien. C'est à partir de ses expériences personnelles qu'il parvient à l'idée du rêve lucide. Un soir, avant de s'endormir, il lit un ouvrage de Brillat-Savarin sur les rêves. Celui-ci soutient que deux sens, le goût et l'odorat, influencent très peu le sommeil. Ainsi, si l'on rêve par exemple de fleurs ou d'un plat, on voit les fleurs sans en sentir le parfum, et on goûte les mets sans les savourer. C'est sur cette idée que le philosophe s'endort. «Je ne saurais dire si c'était vers deux ou trois heures du matin, mais je me vis tout à coup au milieu de ma cour pleine de neige, et deux malheureux lézards, les habitués de la maison, comme je les qualifiais dans mon rêve, à moitié ensevelis sous un blanc manteau, gisaient engourdis à quelque distance de leur trou obstrué…» Le rêveur ramène les lézards dans leur trou, les nourrit avec une plante, l'asplénium. Il les voit ensuite se multiplier, puis il voit se former une longue procession de lézards, dont le mouvement ondulatoire de leurs queues l'amuse. Il se demande : «Quel était le motif de cette émigration ? Je revins près de l'asplénium, qui, cette fois, n'était plus dans ma cour, mais croissait en touffes serrées dans une clairière au centre de la forêt, et je m'aperçus qu'il répandait une odeur suave qui ne se révélait d'ailleurs à mes sens que si je froissais la plante entre les doigts. Je fis alors cette réflexion que, quoi qu'en dise Brillat-Savarin, on pouvait rêver d'odeurs…»