Depuis des mois de graves accusations de corruption chargent Erdogan, directement mis en cause par la diffusion sur Internet d'une série de conversations accusatrices. Des révélations qui lui valent de violentes critiques aussi bien en Turquie qu'à l'étranger. Erdogan saura-t-il, à l'occasion de ce scrutin, laver les accusations de corruption dans les urnes ? En tout cas le blocage de Twitter et de YouTube ont particulièrement mal servi Erdogan, accusé à présent d'intenter aux libertés dans un pays démocratique. L'opposition quant à elle voudrait un vote de défiance contre celui qu'elle traite désormais de façon franche de «dictateur». Tout au long d'une campagne tendue le Premier ministre a riposté, dénonçant un «complot» ourdi contre sa personne, notamment par ses ex-alliés de la confrérie Fethullah Gülen. Les médias appartenant à ce dernier, tel le journal Zaman, se font à chaque édition l'écho de nouvelles rumeurs éclaboussant le Premier ministre et son entourage. Les instituts de sondage turcs prédisent tous un affaiblissement de la position de l'AKP, qui avait décroché un peu moins de 50% des suffrages aux législatives de 2011. Mais rares sont ceux qui pronostiquent un effondrement. Car malgré les scandales et les polémiques, Erdogan reste de loin l'homme politique le plus populaire de Turquie. Son bilan, notamment économique plaide, largement pour lui. Son parti, qui a raflé toutes les élections depuis 2002, devrait encore recueillir plus de voix, devant le Parti républicain du peuple (CHP) et le Mouvement pour l'action nationaliste (MHP). Et dans pareil contexte tout score supérieur aux 38,8% de 2009 serait considéré comme une victoire de l'AKP. Erdogan a même annoncé quitter la vie politique si l'AKP ne finissait pas en tête. Aujourd'hui le Parti du Premier ministre est contesté dans les deux plus grandes villes du pays, dont les résultats auront valeur de symbole. Le basculement de la capitale Ankara dans l'opposition, ou celui d'Istanbul, sonneraient inévitablement comme un échec non sans conséquences. Pour les observateurs, en cas de large victoire de son parti, le Premier ministre conforté pourrait être tenté de se présenter à l'élection présidentielle du 10 août, qui se disputera au suffrage universel direct et ce pour la première fois. En cas de résultats en sa défaveur, Erdogan pourrait modifier les statuts de l'AKP (limitant les mandats à trois), avancer les élections législatives, prévues en 2015, et briguer un nouveau mandat à la tête du gouvernement. Mais certains observateurs turcs estiment que la crise actuelle a tellement terni l'image d'Erdogan qu'il lui sera difficile de rebondir. M. B./Agences