Photo : Riad De notre correspondant à Tizi Ouzou Malik Boumati Il semble loin le temps où les gens s'intéressaient à toutes sortes de disciplines artistiques et culturelles, y compris celles qui n'ont pas de caractéristiques festives comme la musique classique, le jazz, les arts plastiques, le théâtre, le cinéma, et même dans certains cas, le gospel, le blues ou le boogie woogie. Aujourd'hui, la scène artistique, notamment côté consommation publique, a connu un bouleversement énorme dans la mesure où l'art en général et la chanson à texte en particulier ont été relégués au second plan, aussi bien par les pouvoirs publics que par les artistes et le public. Ce phénomène n'est pas propre à une seule wilaya ou une seule région. Toute l'Algérie a été affectée par la propension du public à préférer les chansons à rythme qui font danser et ce, quelle que soit la médiocrité des textes.La wilaya de Tizi Ouzou, comme les autres wilayas du pays, n'a pas été épargnée par ce désastre artistique et culturel, notamment parmi le jeune public qui s'est complètement désintéressé de la qualité de l'œuvre au profit de la seule fiesta et des rythmes endiablés. Se défouler est devenu la seule préoccupation des jeunes d'aujourd'hui. Le plus dramatique dans cette situation, même les femmes, réputées pour leur sensibilité et leur intérêt pour les beaux textes, se sont également mises de la partie, fermant la porte à tout artiste tenté par l'écriture de beaux textes. D'ailleurs, certains «artistes» ont saisi cette opportunité pour lancer leur «carrière» en chantant n'importe quoi et, bien sûr, n'importe comment. Et cela ne les a pas empêchés de réussir auprès d'un certain public, dramatiquement aveuglé par le rythme et la quête de défoulement. Il faut dire que certains chanteurs, à l'image de Mohamed Allaoua et de rares autres, tentent parfois d'éviter les textes ineptes et les multitudes d'onomatopées, utilisant dans certains cas deux ou trois phrases pour en faire une chanson. C'est qu'ils ont fait appel à des paroliers pour l'écriture afin de donner au moins un tant soit peu de sens à leur produit. Il existe cependant une lueur d'espoir dans cet univers de médiocrité qui a longtemps relégué la chanson à un statut qui n'a rien à envier à l'épicerie. Ces dernières années, un public est en train de naître et il est heureux de le compter parmi la frange juvénile. Un public de jeunes de 15 à 25 ans qui s'intéresse de plus en plus à autre chose qu'au rythme et à la danse. Des jeunes mélomanes qui n'hésitent pas à aller apprécier un spectacle de jazz ou de pop. Comme au bon vieux temps, diraient certains quinquagénaires et quadragénaires qui s'abreuvaient volontiers des chansons des Matoub, de Aït Menguellet, des Abranis, d'Idir et aussi de celles des Eagles, des Pink Floyd, des Beatles, de Marvin Gaye, d'Elvis Presley et de Simon and Garfunkel. Ce ne sont que des exemples pris d'une flopée d'artistes hors normes qui ont fait et qui continuent de faire rêver des générations entières à travers le monde. C'est que, ces derniers temps, une génération d'artistes est arrivée pour bousculer une scène meurtrie par des produits sans aucune valeur musicale et poétique. De jeunes artistes, qui avec leurs guitares, qui avec leurs mandoles, servent des produits magiques à faire plaisir à l'ouïe et aux autres sens. Ali Amran représente pleinement cette nouvelle génération d'artistes qui allient de manière parfaite la pop-rock et le folk-rock à la chanson kabyle. Il y a également le jeune Karim Yeddou qui tente, tant bien que mal, de relancer la chanson kabyle classique avec une belle poésie sentimentale alors que Taoues, de son côté, s'est lancée de fort belle manière et avec des paroles saines, dans la chanson sociétale, même si elle utilise parfois des musiques rythmées. Ce sont de jeunes artistes, et quelques autres, décidés à rompre avec les chansons légères, trop légères qui ont fait de la chanson un champ où tout peut être semé, y compris les navets de mauvais goût. La chanson étant l'art le plus prisé par le public, c'est quand elle sera débarrassée de tous ces «parasites» qui font office de chanteurs, d'impresarios et même d'éditeurs que les autres disciplines artistiques et culturelles retrouveront la place qui est la leur sur la scène culturelle locale et même nationale.