Ce sont les petits ruisseaux qui font les grands fleuves. Si cet adage est souvent invoqué pour dire les solidarités nécessaires à l'essor des bonnes œuvres, il demeure aussi valable quand il est question d'activités négatives, de criminalité ou de fléaux sociaux. La petite et moyenne délinquances, si elles ne sont pas efficacement combattues, débouchent immanquablement sur des problèmes encore plus complexes. La vente informelle de tabac, le vol à l'étalage ou le recel, quand ils ne sont pas sévèrement punis et réprimés, grossissent vite comme de mauvaises herbes pour verser dans la drogue, la fausse monnaie, la prostitution, le trafic d'organes humains, l'attaque des convois de transfert de fonds ou l'émigration clandestine. Le petit délinquant, à défaut de correction, devient évidemment un gangster. Le bilan annuel, rendu public avant-hier par la sûreté urbaine de la wilaya d'Alger, a établi justement ce même constat. La grande criminalité s'installe, donc, dans la capitale, mais aussi à travers toutes les grandes villes du pays. Des planteurs de chanvre indien ont été appréhendés dans plusieurs wilayas comme Adrar ou Béjaïa. Les saisies de drogues et d'armes, effectuées par les gardes frontières, se font de plus en plus importantes. La traite des prostituées, qui se fait au grand jour, affecte sérieusement la quiétude des gens simples. Les faux monnayeurs se font légion. Les passeurs prospèrent partout sur le dos des harragas. Que cela soit aux frontières sud du pays ou sur la bande maritime, ces «voyagistes de la mort» améliorent constamment leurs modes opératoires et développent leurs schémas criminels. De hauts responsables de l'Etat ont avoué, récemment, que ce phénomène devient parmi les plus difficiles à cerner. Les déclarations d'Abdelaziz Belkhadem, ministre d'Etat représentant personnel du président de la République, et celles du garde des Sceaux, Tayeb Belaïz, ont à ce propos, le mérite de la franchise. Le chômage et le mal-vivre ne justifient pas, à eux seuls, cet engouement pour la périlleuse expédition. De puissants réseaux criminels exploitent aussi ce filon dans leurs trafics juteux. Un méticuleux travail d'incitation est fait à la base pour «appâter» les jeunes candidats à l'aventure. Le banditisme gagne ainsi des galons supplémentaires. La connivence entre tous ces réseaux du mal et le terrorisme a été maintes fois établie par les enquêteurs des différents services de sécurité. Les délinquants en col blanc s'engraissent également. Le détournement des derniers publics, le trafic d'influence, l'abus d'autorité et la malversation dans la passation des marchés publics sont, évidemment, autant de délits qui menacent la crédibilité des institutions et apportent du vent au moulin de la pègre. Il ne suffira pas de réexaminer à chaque fois les procédures judiciaires, comme le font en ce moment les membres du Sénat, pour en venir à bout. Il faut, surtout, de la rigueur dans le traitement des dossiers. Un châtiment exemplaire donne toujours de bonnes idées aux petites têtes dures. Le crime, en général, est souvent l'apanage de ceux qui croient à la chimère de la vie facile. Il est grand temps de sévir contre cet infantilisme qui menace, désormais, la stabilité et la sécurité du pays. Que cela concerne les milieux traditionnels du banditisme ou les fonctionnaires corrompus, la justice est interpellée pour remettre les brebis galeuses dans le droit chemin. Sans clémence aucune, elle doit appliquer la loi, rien que la loi dans toute sa rigueur. K. A.