Si Kafka et Ubu étaient algériens, et s'ils devaient observer la petite lucarne privée algérienne, eh bien, ma foi, ils prendraient vite des cachets d'aspirine ! Mes aïeux, quelle «khalouta» car c'est toujours la même tchektchouka ! Du point de vue du droit, notamment de la loi sur l'audiovisuel 14-04 de février 2014, aucune des télés privées de droit étranger, même les rares à être autorisées à émettre, n'ont le droit d'exister. Surtout pas sous cette forme bizarroïde de TV offshore comme c'est le cas de toutes ces chaînes hors sol et hors tout cadre juridique. En l'absence d'instances de régulation, de contrôle, d'arbitrage et de concession, dignes de ce nom, c'est-à-dire dotées des pouvoirs ad hoc, rien n'a permis jusqu'ici de mettre de l'ordre dans cette auberge espagnole typiquement algérienne ! Rien sauf de timides rappels à l'ordre d'une Autorité de régulation de l'audiovisuel (ARAV) sans pouvoirs réels, des souhaits et de vœux pieux du ministère de la Communication. Résultats des courses cathodiques, ces chaînes de TV piétinent allégrement le droit et font même des bras d'honneur aux pouvoirs publics après des rappels à l'ordre de l'ARAV de Miloud Chorfi. Hors la loi et installées dans une zone de non-droit, ces télés privées ne respectent en aucun cas les droits d'auteur qu'ils escroquent sur toute la longueur d'ondes ! Au point de faire sortir de sa réserve le discret DG de l'Office national des droits d'auteur et droits voisins (ONDA) qui les a dénoncées en public. «Des chaînes privées algériennes exploitent des films, de la musique, de Dahmane El-Harrachi ou de Hasni sans s'acquitter des droits d'auteur» qui sont pourtant bien modestes, a déclaré Sami Bencheikh qui a menacé d'en saisir l'Organisation mondiale de la propriété intellectuelle (Ompi), après une ultime mise en demeure. On le voit bien, ces chaînes privées ne respectent pas les droits d'auteur et le droit tout court. Le gouvernement doit donc se faire respecter lui-même en faisant respecter la loi. Par conséquent, les obliger à s'y conformer ou les interdire. Place alors à la loi, à commencer par le code de l'information, les lois sur l'audiovisuel, la concurrence, les droits d'auteur, les pratiques commerciales et la protection du consommateur. Dans ce souk audiovisuel, c'est d'abord l'Etat qui, faute de respecter lui-même ses propres lois, s'est mis lui-même hors-la-loi en laissant prospérer dans une zone grise de non-droit des télés de droit étranger. Entreprises tolérées en leur indue qualité de sociétés installées à demeure, avec administration, locaux, studios, équipements et équipes techniques et éditoriales. Comme dit la formule populaire «adji él darak béhmarak ya Embarek» ! Cette formule idiomatique, intraduisible en l'état, veut bien dire pourtant ce qu'elle veut bien signifier : ces télés étrangères, même si elles sont la propriété d'Algériens, se sont installées par effraction dans le paysage audiovisuel. Dans une sorte de no man's land en raison peut-être d'une obscure raison d'Etat qui a permis à ces télés de fonctionner sans cahiers de charges précis et d'exister avant même la promulgation de la loi sur l'audiovisuel en 2014 ! Il y avait certes avant cette date un défaut de cadre de régulation, de contrôle et de concession en bonne et due forme, mais en aucun cas de vide juridique ! L'Etat était alors dans l'obligation de faire respecter les lois qui existaient déjà. Notamment celles de l'information, sur les droits d'auteur et la protection du consommateur, sans oublier naturellement les codes pénal et civil. Maintenant que l'audiovisuel est régi par une loi qui définit les conditions, les règles du jeu et les cahiers des charges, il y a même extrême urgence à mettre de l'ordre dans ce bazar télévisuel où le laisser-aller, le laisser-faire, l'anarchie, le mélange des genres, l'absence d'éthique et l'irrespect de la loi constituent la vraie norme juridique ! Pourtant, la loi est claire à ce sujet. Elle stipule que seules des personnes morales de droit algérien ont le droit d'émettre, avec une exclusivité nationale du capital social, tout en justifiant de l'origine des fonds investis. Tout comme il faudrait justifier de la présence de journalistes professionnels parmi les actionnaires. De même qu'une personne physique ou morale privée de droit algérien ne peut être actionnaire dans plus d'un projet audiovisuel. Sans oublier, bien sûr, le respect des règles déontologiques par ces télés offshore qui diffament en HD sur toutes les fréquences. N. K.