Comme pour la question palestinienne, les nouvelles alliances d'Israël ne vont certainement pas favoriser une résolution. Au contraire, elles reflètent un agenda politique mondial changeant qui a relégué la question à un niveau de moindre importance, ce qui risque d'affaiblir l'incitation d'Israël à repenser sa suppression de la Palestine. En conséquence, la possibilité d'une solution à deux Etats est plus éloignée aujourd'hui qu'elle ne l'a été depuis le début du processus de paix il y a 25 ans. Il n'y a aucune raison de se réjouir pour Israël. Après tout, la suppression de la Palestine a et continuera d'avoir des effets destructeurs sur la société israélienne. Dans la mesure où les nouvelles possibilités de politique étrangère d'Israël autorisent la continuation de cette suppression, elles ne sont bonnes ni pour la Palestine, ni pour Israël. L'occupation ininterrompue des territoires palestiniens par Israël cause un tort irrémédiable à sa réputation internationale, s'il faut en croire l'opinion commune. En fait, Israël bénéficie actuellement un degré d'influence mondiale sans précédent dans son histoire, à l'heure où une foule de nouveaux défis internationaux donnent à sa politique étrangère, longtemps tenue en otage par le seul problème palestinien, une marge de manœuvre beaucoup plus importante. En prenant acte d'une opposition populaire de plus en plus forte au soutien sans équivoque à Israël en Occident, Israël a recherché ailleurs dans le monde de nouveaux partenaires économiques, puis politiques. Entre 2004 et 2014, les exportations d'Israël vers l'Asie ont triplé et ont atteint la somme de 16,7 milliards de dollars l'an dernier, soit un cinquième du total de ses exportations. Israël négocie à présent davantage avec les géants asiatiques autrefois implacablement hostiles (la Chine, l'Inde et le Japon), qu'avec son principal allié mondial, les Etats-Unis. Ni le Premier ministre japonais Shinzo Abe, qui a visité Israël quelques semaines après sa réélection en décembre 2014, ni les dirigeants chinois, qui sont à présent leur troisième plus important partenaire commercial, ne se soucient plus d'associer leurs liens économiques avec Israël à la réussite de pourparlers de paix avec les Palestiniens. Avec l'Inde, la coopération en matière de défense est à l'ordre du jour. Le ministre israélien de la Défense Moshe Ya'alon a visité l'Inde en février 2015 et le président indien Pranab Mukherjee lui a rendu la pareille par une visite historique en Israël en octobre. L'élection du nationaliste hindou Narendra Modi au poste de Premier ministre en mai 2014 va sûrement accélérer la coopération. Israël est déjà le deuxième fournisseur de l'Inde en technologie militaire. Au-delà de l'Asie, Israël se rapproche de la Russie, sur la base de pures considérations stratégiques. Alors que la Russie donne à présent le ton en matière géostratégique au Moyen-Orient, en faisant montre d'une diplomatie digne d'une puissance du XIXe siècle, Israël s'entretient avec le Kremlin sur les lignes qui ne doivent pas être franchies en Syrie (cette entente a sans aucun doute été facilitée par la neutralité d'Israël sur l'annexion de la Crimée par la Russie et sur l'armement des séparatistes en Ukraine). Plus tôt ce mois-ci, lors de sa prise de parole devant la Commission des Affaires étrangères et de la Défense de la Knesset, l'ambassadeur d'Israël à Moscou a salué le caractère «florissant sans précédent» de la relation bilatérale. Même le Président de la Turquie Recep Tayyip Erdogan, autrefois un interlocuteur irascible, cherche à présent la voie de la réconciliation. La Turquie, bloquée dans un conflit avec la Russie, séparée de l'Egypte et de l'Iran, poursuit des mesures contre la Syrie, l'Etat islamique (EI) et les Kurdes qui s'opposent à ses alliés de l'OTAN, se trouve ces derniers temps de plus en plus isolée dans un océan de chaos. Comme la Turquie n'a tiré aucun avantage stratégique de la cause palestinienne, Erdogan a finalement admis en janvier que la Turquie a besoin «d'un pays comme Israël». Fait intéressant, cette déclaration a eu lieu au retour d'Erdogan d'une visite en Arabie Saoudite, un autre acteur clé dans la région, qui entretient des relations de sécurité discrètes avec Israël sur la base d'une logique similaire. Pour l'Arabie Saoudite, le fait que l'Iran échappe à l'isolement mondial, les pertes dans les guerres par procuration en Syrie et au Yémen, le spectre d'une attaque de l'EI et les politiques régionales évasives de l'Amérique sont des priorités bien plus importantes que les Palestiniens. D'autres monarchies sunnites du Golfe ainsi que l'Egypte coopèrent également avec Israël pour contenir le terrorisme islamiste et l'influence grandissante de l'Iran dans la région. Même les pays européens ont trouvé de nouvelles raisons de s'engager auprès d'Israël. Le Premier ministre grec Alexis Tsipras, farouchement hostile à Israël lorsqu'il était dans l'opposition, est devenu un proche allié, après avoir visité le pays deux fois en trois mois en 2015. En échange de gaz, de technologie de défense et de renseignements militaires, la Grèce offre maintenant son espace aérien pour former l'armée de l'air israélienne. En outre, la Grèce et Israël coopèrent avec Chypre pour créer un contrepoids géostratégique à la Turquie. La Grèce a de si importants intérêts dans le renforcement de cette relation avec Israël que le ministre des Affaires étrangères Nikos Kotzias a déclaré que le pays ne se conformerait pas aux dernières directives de l'Union européenne sur l'étiquetage des marchandises produites dans les colonies israéliennes dans les territoires occupés. Il n'y a donc rien d'étonnant à ce que Nabil Shaath, l'ancien ministre palestinien des Affaires étrangères, se soit plaint auprès du journal israélien Haaretz en janvier de la «trahison de la Palestine» par la Grèce. Mais la Grèce n'est pas seule à s'opposer aux nouvelles directives de l'Union européenne en matière d'étiquetage : la Hongrie s'y oppose également. En fait, comme le Premier ministre Benyamin Netanyahou pousse graduellement Israël vers la démocratie autoritaire, il compte sur les gouvernements de plus en plus autoritaires de l'Europe de l'Est pour l'aider à protéger Israël contre les initiatives contraires de l'UE. De toute évidence, Israël fait face à une multitude de nouvelles possibilités de politique étrangère, qui offrent des avantages potentiels. Mais les nouveaux amis d'Israël ne peuvent tout simplement pas remplacer ses alliés occidentaux. Avec les géants asiatiques, Israël est dépourvu des perspectives mondiales partagées qui sont essentielles à une véritable alliance stratégique. Comme pour la question palestinienne, les nouvelles alliances d'Israël ne vont certainement pas favoriser une résolution. Au contraire, elles reflètent un agenda politique mondial changeant qui a relégué la question à un niveau de moindre importance, ce qui risque d'affaiblir l'incitation d'Israël à repenser sa suppression de la Palestine. En conséquence, la possibilité d'une solution à deux Etats est plus éloignée aujourd'hui qu'elle ne l'a été depuis le début du processus de paix il y a 25 ans. Il n'y a aucune raison de se réjouir pour Israël. Après tout, la suppression de la Palestine a et continuera d'avoir des effets destructeurs sur la société israélienne. Dans la mesure où les nouvelles possibilités de politique étrangère d'Israël autorisent la continuation de cette suppression, elles ne sont bonnes ni pour la Palestine, ni pour Israël. S. B-A.