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Le G5S et le grand frère algérien
Publié dans La Tribune le 25 - 04 - 2016

On n'ignore plus depuis décembre 2014 que la Mauritanie, le Mali, le Burkina Faso, le Niger et le Tchad ont mis en place le G5 Sahel. Groupement d'Etats en apparence homogènes sur le plan géopolitique. Un groupe de «bon format et à la bonne échelle», disent ses concepteurs. Un ensemble pragmatique qui a déjà lancé des projets en matière de lutte contre l'insécurité dans le Sahel. Avec des projets ambitieux comme l'Ecole régionale de guerre à Nouakchott, le Centre sahélien d'analyse des menaces et d'alerte précoce, soutenu par l'ONU et qui s'ajoute au Collège sahélien de sécurité qui fonctionnait jusqu'alors sur un mode itinérant, mais qui sera désormais fixé à Bamako, avec le concours financier de l'Union européenne. Il est également question de mettre en place, avant fin 2016, d'un bataillon d'intervention rapide. Le G5 Sahel revendique déjà des patrouilles conjointes entre les armées nationales sur les frontières communes et vante par ailleurs des «avancées» en matière de partage du renseignement. L'organisation réfléchit aussi au lancement dans les prochains mois d'Air Sahel, et à moyen terme à la construction d'une ligne ferroviaire Nouakchott-N'Djamena. On le voit bien, les intentions affichées et les actions réalisées, traduisent une volonté de tirer les enseignements de l'expérience infructueuse de coopération sécuritaire régionale à travers le Cemoc, le Comité d'état-major conjoint créé par la Mauritanie, le Niger et le Mali avec le voisin algérien. Lancé en 2010 sous l'égide de l'Algérie et installé à Tamanrasset, le Cemoc est resté en toute évidence une coquille vide. D'autre part, le Centre commun de partage du renseignement, annoncé après la création du Cemoc, n'a jamais réussi à fonctionner comme il le faut. Et en matière de coopération militaire bilatérale ou multilatérale, les pays du G5 Sahel jugent, à tort ou à raison, que l'aide algérienne est nettement insuffisante ou inadéquate. D'où leur apparente déception et leur décision d'agir sans la puissance militaire algérienne. En effet, en janvier 2012, le Mali avait besoin d'une intervention militaire urgente et directe pour stopper la progression des terroristes, partis du Nord, vers Bamako. L'Algérie pouvait agir, mais elle ne l'a pas fait. De même, en mai 2013 lors des attaques terroristes contre Agadez et Arlit, sur la frontière algéro-nigérienne, le Niger avait besoin d'une aide directe en forces spéciales. L'Algérie en disposait, mais elle n'a pas volé au secours de son voisin. Vis-à-vis du Niger comme du Mali, l'Algérie est restée l'arme au pays pour une raison doctrinale évidente. Son attitude est donc justifiée par des dispositions constitutionnelles qui interdisent depuis l'Indépendance à son armée d'intervenir hors des frontières nationales. La règle est aussi valable avec la Tunisie. Ce refus d'ingérence militaire, s'il s'explique en Algérie, a fini tout de même par créer chez ses voisins sahéliens de la déception, voire de la frustration. Certains n'ont pas manqué d'y voir la «démission» ou «l'indifférence» du grand frère algérien. Et comme en toute chose, en politique notamment, la nature a horreur du vide, le G5S a été donc créé. Et pendant ce temps, la France en a profité pour avancer ses pions. A travers ses interventions militaires directes au Mali, au Niger et au Burkina Faso. Surtout, par le truchement des opérations Serval et Barkhane. On ne le crie pas sur les toits, mais à Paris, on voit d'un bon œil la création du G5 Sahel sans l'Algérie. Pas de regret de la part des autorités diplomatiques et politiques françaises. On y voit même une excellente occasion de contrer l'influence militaire et stratégique algérienne sur la bande sahélo-saharienne, son prolongement géostratégique naturel. D'où l'enthousiasme à accompagner la montée en puissance du volet sécuritaire du G5 Sahel. La France va en effet apporter un appui direct à la future école de guerre de Nouakchott, qui devrait à terme devenir un collège interarmes. Les cinq pays sahéliens ont obtenu en prime diplomatique que Paris devienne leur avocat dans les instances internationales. Et pour montrer encore que le G5 Sahel vit bien sans l'Algérie, l'Union africaine, après une longue hésitation, a fini par voir en lui un partenaire stratégique dans la lutte contre l'insécurité et pour le développement dans la bande sahélo-saharienne. Enfin, quels que soient les griefs à l'encontre de l'Algérie et ses manquements dus à sa doctrine isolationniste, sous couvert légitime de non ingérence dans les affaires d'autrui, l'idée que ce G5S a été créé sans l'Algérie, mais aussi contre elle, n'est pas une idée si farfelue que ça. Preuve en est, alors que la sécurité de la zone sahélo-saharienne concerne et doit impliquer d'autres pays comme le Sénégal, la Libye, le Soudan et l'Egypte, les pays du G5 Sahel ont fermé la porte derrière eux : plus aucun Etat n'y sera admis comme membre à part entière. Au mieux, ils accepteront quelques Etats observateurs. Reste que ce G5S ne pourra finalement pas faire l'économie d'une coopération avec l'Algérie, la puissance militaire et stratégique régionale. Son expertise antiterroriste et son aide bilatérale, militaire et financière demeurent indispensables aux pays de la région, indépendamment des aides de la France et de l'UE qui restent assez limitées. La France et l'UE ne pourront jamais sécuriser assez, surtout pas à la place des pays concernés, leurs vastes frontières communes ou avec l'Algérie. La coopération avec cette dernière est d'autant plus indispensable qu'elle leur permettra d'avoir des capacités opérationnelles nationales qui seraient ensuite mutualisées. Après tout, l'addition des faiblesses des uns et des autres ne constitue pas forcément une force efficace.
N. K.

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