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Devoir de mémoire pour un symbole du combat de la femme algérienne
Lalla Zouleikha, la mère des résistants de Kamel Bouchama
Publié dans La Tribune le 24 - 11 - 2016

C'est avec une plume trempée dans l'encrier de l'amour de l'Algérie et le patriotisme ancré dans les veines et dans les entrailles, que Kamel Bouchama convie le lecteur à une véritable plongée au cœur de la vie et du combat de cette grande dame Lalla Zouleikha
Dans son nouvel ouvrage intitulé Lalla Zouleikha, la mère des résistants, publié aux éditions Juba, Kamel Bouchama met son talent d'écrivain à la langue ciselée tel un orfèvre, au service du devoir de mémoire, un de ses chevaux de bataille pour la nécessaire transmission des valeurs de patriotisme et de l'héritage de ceux qui ont tout sacrifié pour libérer l'Algérie du joug colonial, à travers l'épopée de la martyre Zoubida Oudaï.
D'emblée, l'auteur captive les lecteurs par son don de conteur dès le 1er chapitre intitulé De Noussayba Al Ansariya à Lalla Zouleikha Oudaï, le combat eternel des femmes. Ainsi, le ton du livre est donné, car au delà de l'histoire de la célèbre héroïne de la région de Cherchell, une des rares femmes moudjahidate responsable politico-militaire à Cherchell et combattante au sein de la wilaya IV, Lala Zouleikha symbolise à travers son parcours de militante et de maquisarde le combat de la femme algérienne. Dès lors, l'ouvrage palpitant débute telle une véritable épopée par la terrible scène de l'arrestation de Lalla Zouleikha en octobre 1957. Dès les premières lignes, la bravoure et le courage guerrier de l'héroïne de la guerre de libération nationale sont mis en exergue avec la comparaison du combat de Noussayba Al Ansariya, la fille de Kaâb, un symbole puissant chez tous les musulmans. Et dans ses racines algériennes et continentales cette femme guerrière est comparée à Lalla Fadhma N'Soumer, l'héroïne nationale symbolisant le combat des hommes et femmes libres, les amazigh qui ont toujours refusé de courber l'échine face à l'occupant dans des batailles mythiques. L'auteur en citant ces deux exemples souligne qu'il aurait «beaucoup à dire concernant son digne comportement de tous les jours, depuis sa prime jeunesse, ainsi que ses exploits durant la lutte de la libération nationale». C'est ainsi que l'héritage qu'elle a légué aux générations futures symbolisera, sans aucun doute, l'exemple concret du dévouement et de la fidélité de la femme algérienne aux idéaux de Novembre. Lors de son arrestation, digne et fière, enchainée à un blindé, elle aura la force de donner du courage à ses compatriotes algériens forcés d'assister à cette terrible scène. Elle les interpelle d'une voix ferme, après avoir craché au visage du capitaine qui dirigeait cette sauvage opération, en les interpellant en ces termes : «Mes frères soyez témoins de la faiblesse de l'armée coloniale qui lance ses soldats armés jusqu'aux dents contre une femme. Ne vous affalez pas. Continuez votre combat jusqu'au jour où flottera notre drapeau national sur tous les frontons de nos villes et villages. Montez au maquis ! Libérez le pays ! Tahya Eldjazair !».
C'est avec une plume trempée dans l'encrier de l'amour de l'Algérie et le patriotisme ancré dans les veines et dans les entrailles, que Kamel Bouchama convie le lecteur à une véritable plongée au cœur de la vie et du combat de cette grande dame Lalla Zouleikha, depuis sa prime jeunesse, d'abord dans sa ville natale de Hadjout, où elle est née, puis lors de sa scolarisation, son école se trouvait au sein de la famille de son époux, El Hadj Ahmed Oudaï, une famille de combattants qui a donné de nombreux martyrs pour que vive l'Algérie libre et indépendante. Ensuite, l'auteur aborde l'engagement de la jeune Zouleikha dans le nationalisme, ensuite à travers son adhésion spontanée à Novembre 1954, jusqu'à l'ultime sacrifice. Il relate le cheminement logique de la vie d'une combattante, de sa révolte face au système colonial à la bataille politique, pour s'investir dans des actions de sensibilisation, de formation et de mobilisation jusqu'à la lutte armée. Elle était un grand exemple aussi pour ses plus proches et, ultime sacrifice d'une mère, elle a intimé l'ordre à son fils Lahbib de prendre le chemin du maquis pour faire son devoir, et lui a interdit de se marier tant que l'Algérie ne sera pas indépendante. Elle a rejoint elle-même le maquis le 21 mars 1957, à la suite d'une dénonciation, contrainte d'abandonner la clandestinité, sa maison et ses enfants, dont le plus jeune était à peine âgé de six ans et souffrais de la rougeole.
Dans sa biographie, il est précisé que Zouleikha Oudaï née Echaïb Yamina est née le 7 mai 1911 à Hadjout. Issue d'une famille aisée, son père Braham, conseiller municipal, est un riche propriétaire. Elle n'est âgée que de 6 ans lorsqu'elle perd sa mère et est confiée à ses grands-parents maternels. Scolarisée, elle obtient le certificat d'études primaires. Elle se révolte très jeune contre le colonialisme. Le déclenchement de la révolution algérienne lui permettra de concrétiser son idéal d'une Algérie libre et indépendante du joug colonial. Elle s'implique corps et âme pour la cause et ce, jusqu'à sa mort en chahida sous la torture. Zouleikha est déclarée décédée le 25 octobre 1957 à 15 heures, enregistrée à la mairie de Sidi Ghilès le 12 décembre 1957 par l'armée française. En mai 1982, des restes et des ossements de chouhada ont été transférés au cimetière de chouhada de Marceau (Menaceur), c'est un paysan de la région du nom d'Ahmed Khodja qui a montré sa tombe à ses enfants, qui n'ont pas cessé d'investir toute la région à la recherche de la sépulture de leur maman. Elle avait toujours ses menottes aux mains. Aujourd'hui, Lalla Zouleikha est enterrée au cimetière des chouhada de Menaceur.
Dans ce précieux ouvrage, nécessaire pour la transmission de la mémoire de tout un peuple, en annexe les lecteurs peuvent découvrir un riche album photos accompagné de textes explicatifs. L'ouvrage est rehaussé par une préface signée par Amar Belkhodja, écrivain et chercheur en histoire, ainsi que d'un texte de présentation de l'écrivain Farouk Zahi.
Quand à la postface elle est signée par Mildred Mortimer, professeur émérite en littérature comparée de l'université de Colorado, Boulder aux Etats-Unis, qui offre une conclusion pertinente en soulignant qu'«en guise de conclusion, nous devrions nous rappeler que malheureusement les algériennes sont souvent les grandes oubliée de l'histoire du pays.(…) Lalla Zouleikha, la mère des résistants marque un effort de contredire ce propos, à ouvrir une nouvelle voie. Aujourd'hui, le courage et les sacrifices de Zouleikha, la martyre de Cherchell, ne sont plus ignorés par la nation pour laquelle elle a donné sa vie». Paix a son âme, Allah yerham echouhada et Tahya El Djazaïr.
S. B.
Kamel Bouchama, natif de Cherchell, homme politique et ancien dirigeant du parti FLN, haut cadre de la nation, ministre et ambassadeur, est aussi un homme de culture. Auteur depuis de longues années, il a à son actif plusieurs titres dans les domaines de la politique, l'histoire et de la culture. De même qu'il a de nombreuses contributions dans la presse nationale et internationale, arabophone et francophone.


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