Trois jours après le décès de Mohamed Tamalt, le gouvernement a réagi. Tayeb Louh, ministre de la Justice, a nié, hier, toute responsabilité de l'Etat dans la mort du journaliste. «Pour qu'il n'y ait aucune confusion concernant ce décès, l'administration pénitentiaire a diffusé un communiqué qui a été très clair en abordant toutes les étapes depuis la condamnation passant par la prise en charge médicale du défunt jusqu'à sa mort», a souligné le ministre dans une déclaration faite au Sénat. Pour Tayeb Louh, ce communiqué doit faire taire toutes «les interprétations et les tentatives de manipulation autour de cette affaire». Désormais, l'affaire relève, selon Tayeb Louh, du domaine «médical». «Une autopsie a été ordonnée par le procureur de la République. Dans tous les cas, un communiqué sera rendu public, comme prévu par la loi», dira le ministre. Il a également affirmé que la plainte déposée par le frère du journaliste est prise en charge par le procureur. Pour rappel, le journaliste Mohamed Tamalt, décédé dimanche dernier, au CHU de Lamine-Debaghine (ex-Maillot) à l'âge de 42 ans, était tombé dans le coma suite à une grève de la faim entamée après son arrestation le 26 juillet 2016 et sa condamnation à une peine de 2 ans de prison assortie d'une amende de 200 000 DA. Mohamed Tamalt avait été accusé d'avoir porté atteinte aux symboles de l'Etat et au président Bouteflika, dans des publications partagées sur les réseaux sociaux. Après l'annonce de sa mort, la direction générale de l'administration pénitentiaire a, dans un communiqué rendu public, expliqué que l'état de santé du défunt s'était amélioré après sa grève de la faim mais qu'«avait été victime il y a 10 jours d'un accident cardio-vasculaire suivi d'infections pulmonaires» auxquelles il a succombé. «Durant sa présence à l'hôpital, sa famille a pu suivre son état de santé et le suivi médical et cela à travers six visites effectuées par son frère, une visite par la mère et deux visites effectuées par un représentant de l'ambassade britannique en Algérie», a affirmé la direction qui conclut le communiqué en présentant ses condoléances à la famille. Le décès en détention du journaliste a vite suscité une indignation auprès de nombreuses ONG de protection des droits de l'Homme, des partis politiques et des avocats. La nouvelle a été reprise également par la presse internationale. Hier, le ministère français des Affaires étrangères a réagi à la mort du journaliste en déclarant que «la France a appris avec préoccupation le décès, le 11 décembre du journaliste et blogueur algérien M. Mohamed Tamalt, à la suite d'une grève de la faim […]. Nous adressons nos condoléances à sa famille et à ses proches», avant d'ajouter que «la France réitère son attachement à la liberté de la presse et à la liberté d'expression partout dans le monde». Dans un communiqué rendu public, le FFS a exigé des autorités de faire toute la lumière sur les circonstances du décès de Mohamed Tamalt de même qu'Amnesty International a demandé une enquête «indépendante et transparente». Du côté des avocats, Me Benissad , le président de la ligue algérienne de défense des droits de l'Homme (Laddh) et membre du collectif d'avocats qui a défendu Mohamed Tamalt, a énuméré plusieurs anomalies qui ont émaillé le procès du journaliste, dont «l'interpellation suivie d'une comparution immédiate et une mise en mandat de dépôt qui n'étaient nullement prévues par l'article du code pénal sur l'offense au chef de l'Etat». Me Miloud Brahimi a affirmé également que le journaliste Mohamed Tamalt ne pouvait en aucun cas être incarcéré pour offense au chef de l'Etat, «les articles 144 bis et 146 amendés en août 2011, démontrent clairement qu'aucun journaliste ne peut être emprisonné pour offense au chef de l'Etat ou envers le Parlement ou l'une de ses deux chambres, les juridictions ou envers l'Armée nationale populaire, ou envers tout corps constitué ou toute autre institution publique». A préciser que l'affaire du défunt Tamalt a été requalifiée et il était poursuivi en vertu de l'article 147. Ce dernier prévoit, en effet, l'emprisonnement de deux ans à trois ans de prison. Jugé sur la base de cet article, Mohamed Tamalt a été condamné à la peine de deux années d'emprisonnement. Mais ses avocats restent formels, Il a été présenté devant les juges pour outrage au chef de l'Etat. H. Y.