Le dialogue et le règlement pacifique des conflits sont, en apparence, des principes largement partagés par tous les Etats. Mais dans les faits, les choses obéissent davantage aux rapports de force et de puissance. Les civilités diplomatiques, destinées aux médias et à l'opinion, n'ont pas cours dans les arcanes du pouvoir et les centres de décision où la violence et la capacité de nuisance priment souvent sur le bon sens. L'Algérie a toujours plaidé pour une réforme profonde de ce système qui mène l'humanité droit vers le chaos et la décadence. Au tout début des événements sanglants dudit «printemps arabe», la diplomatie algérienne, se prévalant de l'expérience du pays en la matière, a exhorté les différentes parties impliquées à la retenue et au sens des responsabilités pour éviter les tueries, les souffrances, les destructions et les complications conséquentes des crises. En proposant volontiers sa médiation impartiale, notre pays s'est courageusement investi dans une voie qui n'était pas celle des grandes puissances qui régentent ce monde. Cette voix singulière de la modération et de la sagesse n'a pas été entendue. Pis, elle a été sévèrement contrée par les Networks internationaux, qui se sont ingéniés à faire miroiter «l'éden démocratique» aux adeptes de la violence et le paradis, tout court, à leurs morts. Six ans plus tard, il n'y a ni l'un ni l'autre. La face du monde ressemble plutôt à un enfer où seuls les vendeurs d'armes se frottent les mains. De la Libye, il n'en reste quasiment que le nom. Le pays a été systématiquement dévasté. La médiation de l'Algérie et de l'Union africaine (UA) était, pourtant, sur le point d'aboutir, quand des avions français et italiens ont reçu l'ordre d'attaquer. Sarkozy et Berlusconi, en exécutants zélés et intéressés d'une sombre décision de l'Otan, ont précipité le peuple libyen dans le géhenne. Résultat : des morts et des décombres à perte de vue. La crise se corse et se complique encore. Il va falloir des décennies avant que le pays ne retrouve son niveau de développement de 2011. En Syrie, on a assisté quasiment au même scénario. Les sponsors déclarés de l'islamisme violent (Américains, Saoudiens et Turcs, aux premières loges) ont cru pouvoir «abattre» Bachar Al-Assad de la même façon, en misant sur le terrorisme. Il n'en est rien. Mais, entretemps, les choses ont énormément changé, y compris au sein de la fumeuse coalition «des amis du peuple syrien». Les amis d'hier s'en prennent, désormais, les uns aux autres. Le pays exsangue s'est vidé de ses habitants. Les villes ont été rasées. Les infrastructures de base ont été réduites à néant. Là aussi, il faudra beaucoup de temps pour que la Syrie puisse se relever d'un tel cataclysme. Idem pour le Yémen qui fait les frais des politiques bellicistes de ses puissants voisins. Cette énorme déstabilisation a directement affecté de nombreux pays africains et du Moyen-Orient, et a occasionné des difficultés à l'Europe en raison du flux massif de réfugiés et d'émigrants clandestins. Le dialogue prôné par l'Algérie aurait certainement pu éviter le massacre à grande échelle des populations, la dévastation de ces pays et tous les dégâts collatéraux engendrés. Maintenant que le mal est fait, tous les va-t-en-guerre se rappellent faussement aux vertus de la diplomatie, du dialogue civilisé et de la lutte anti-terroriste. Simple repositionnement tactique destiné à abuser, encore et encore, les gens. Morale : l'ordre mondial qui régente tout cela est appelé à faire sérieusement sa mue. Autrement, les feux ardents de la violence atteindront, dans très peu de temps, ceux qui se croient bien à l'abri. K. A.