Le vaudeville devait vite tourner au mélodrame avant de finir en psychodrame. Pourtant, il s'en était trouvé de dubitatifs et d'échaudés pour voir dans la démarche exagérément volontariste du Premier ministre un défi difficile à relever. Abdelmadjid Tebboune s'était-il trop laissé emporter par son élan au point d'oublier certaines règles non écrites de fonctionnement de la machinerie politico-administrative assujettissant l'Etat et des centres de décision économiques vitaux ? Il était dès lors clair que, d'une manière ou d'une autre, tout rentrerait dans l'ordre. Et que le plus vite serait le mieux. Le Premier ministre, qui n'est pas un novice avec son immense capital expérience du fonctionnement des institutions, n'a pas trouvé que des hommes en travers de son chemin. Plus fort, plus coriace, c'est le dirigisme d'Etat qui, fatalement, devait se dresser devant lui. C'est un tort de ne pas l'avoir pressenti. Du reste, tout cela est vieux en Algérie. Comme dans tout pays sortant d'une guerre, la doctrine dirigiste naquit au lendemain de l'indépendance, en 1962. L'Etat devait être à la fois maître d'ouvrage et maître d'œuvre d'une économie à bâtir plus qu'à reconstruire, dans un contexte social de pauvreté pour la plupart des Algériens. A partir de 1965, le président Boumediène donnera un contenu idéologique et politique à ce dirigisme d'Etat pour préserver l'industrialisation à pas cadencé du pays, des convoitises, des clans et des prédateurs embusqués. L'objectif était noble et les résultats ne tardèrent pas. La démarche de Boumediène avait l'avantage d'être portée par un Etat fort, bien que lui-même en construction. La bourgeoisie algérienne, existante, mais pas développée, ne s'aventura jamais dans ce champ régalien. L'affairisme, très timide encore, était conscient de ses limites. Sujet d'actualité par excellence, la licence d'importation a sa devancière : elle s'appelait l'AGI, Autorisation globale d'importation. Importation d'intrants, bien entendu. Les entreprises publiques s'approvisionnaient de l'étranger, en vertu de cette autorisation, pour leurs besoins propres et pour ceux du secteur privé. Le ver était-il déjà dans le fruit ? «Le dirigisme produit mécaniquement les détournements et la corruption», prévenait Bruno Bertez, patron d'un Groupe de presse économique. A tout avers de médaille son revers : la bureaucratie ne tarda pas à réclamer son dû. Dans son sillage, les passe-droits et la petite corruption essaimèrent lentement, mais sûrement. Mais jamais au point de peser dans la décision politique et économique. Il faudra attendre, pour cela, la pseudo-ouverture économique de l'après-Boumediène et surtout la flambée du prix du pétrole sur le marché international. A. S.