Photo : A. Lemili De notre correspondant à Constantine A. Lemili Le 19 février 2008, dans une ambiance très conviviale, les dirigeants de Saidal annonçaient, non sans fierté, l'entrée en production au mois de mars 2009 de leur unité de Constantine de production du «stylo jetable d'insuline produit localement». Or, à moins de les suspecter de délire médiatique, la majorité des titres de la presse nationale annonçait, le lendemain, en fanfare et trompettes, cette bonne, heureuse et salutaire nouvelle, pour les diabétiques notamment. Des engagements hâtifs Chez Saidal, les responsables auxquels nous avons eu l'heur de parler au cours de la matinée de samedi dernier ne donnaient surtout pas l'impression d'être décontenancés par leurs réponses à nos questions et encore moins faire la différence de l'énorme décalage entre les engagements pris il y a un peu plus d'une année et la réalité sur le terrain aujourd'hui. De fait, nos interlocuteurs nous rejoignent sur cette certitude, au demeurant affligeante, qui confirme que les engagements pris par les cadres du management d'une entreprise aussi importante et stratégique -peu importe le secteur duquel elle relève, et dans cet exemple précis le leader public de la production pharmaceutique- valent ce qu'ils peuvent valoir, c'est-à-dire roupie de sansonnet. D'aucuns diront qu'il s'agit d'une linéarité logique dans ce qui semble relever d'une culture nationale sur la fixation de délais et leur non-respect dans toute réalisation quelle que soit sa nature. En tout état de cause, l'unité Saidal de Constantine qui, à partir de ce mois, devait mettre sur le marché «2,5 millions d'unités (boîte de 5 stylos au volume de 3 ml) sous trois formes : combinée (1 million), basale (1 million) et rapide (0,5 million)», selon le responsable de la communication de l'époque fait toujours du surplace et ses dirigeants jugent sans doute plus opportun de rester discrets, très discrets, sur un défi qu'ils n'arrivent pas à relever parce que sans doute trop rapidement pris. Soulignons que l'animateur de la conférence de presse pérorait à l'époque sur l'enveloppe financière conséquente consacrée au projet : 120 millions de dinars et 6,80 millions d'euros. En fait l'importante société mobilisait littéralement 800 millions de dinars pour la réalisation de cet objectif dont la structure sera implantée sur un espace de 1 200 m2, autorisant dans la foulée l'augmentation du chiffre d'affaires annuel à 2,2 milliards de dinars et 45 nouveaux emplois à la clé. Nous ne saurons jamais, malgré notre insistance, de nos interlocuteurs où en est la situation à ce sujet sur le plan de la consommation des prévisions de financement en matière d'équipement et de fonctionnement. Ce mutisme étant évidemment indépendant de leur volonté parce que relevant d'autres structures et de personnes habilitées à les communiquer. Les bribes de réponses qui nous seront livrées, non sans hésitation, par Mme Mehafer, chargée de la communication à la direction générale (Alger) ne nous apprendront en fait rien du tout et ce ne sera que grâce aux quelques propos d'un responsable technique, en l'occurrence le Dr Dahmane, que nous saurons qu'«une nouvelle documentation sur l'unité Saidal de Constantine est en gestation et que la presse locale disposera d'une copie dans les jours à venir…» (sic). Des négociations prometteuses Quoique le meilleur reste à venir. Nous saurons effectivement de notre interlocuteur au téléphone que «des négociations sont en cours avec des fournisseurs étrangers dont nous n'avons pas le nombre précis. Quoiqu'il en soit, les démarches visant à commander les stylos évoqués sont en bonne voie». Est-ce donc à dire que tout ce qui a été dit pendant une année au sujet de la production locale de stylos jetables n'était qu'un leurre ? Un coup publicitaire fumant juste pour mousser encore mieux une entreprise qui donnait la nette impression d'être à l'avant-garde de l'économie nationale.Si ce n'est pas la réalité, l'opération montée l'année écoulée vacillerait, à s'y méprendre, entre le bluff et une tromperie sur la marchandise d'autant que le Dr Dahmane enchaînera : «En fait, nous n'allons pas procéder à l'importation des stylos. Les cartouches de renouvellement seront sous-traitées et le stylo fabriqué sera rempli au sein de l'unité de Constantine.» En plus clair, le stylo jetable sera rechargé dans l'unité de Constantine comme on le fait habituellement pour les fioles des autres médicaments et solutions buvables (sirop). «Tout ça pour ça !» dirait légitimement le contribuable…et le malade est encore autorisé à prendre son mal en patience et continuer à acheter un produit d'importation. Dire que dans leurs intentions, selon les propos tenus par M. A. Kaci, le chargé de la communication, «les dirigeants de l'entreprise visent à ‘‘réduire la facture d'importation et assurer une disponibilité permanente du produit'' même si l'unité ne produira que 2,5 millions de stylos jetables alors qu'elle disposerait d'une réelle capacité de production du double». Apparemment, la facture d'importation a très peu de chance d'être réduite ; quant à la disponibilité du stylo, les laboratoires étrangers continueront de régner en maîtres sur le marché. Nous disions, il y a une année, dans ces mêmes colonnes que «le discours officiel livré par le groupe, notamment en matière de coûts de production, chiffre d'affaires et bénéfices, ne tient pas la route» et que rien n'expliquait le fait que la capacité maximale de production ne constitue pas un objectif essentiel. Une concurrence déloyale Mais, semble-t-il, Saidal n'était pas en mesure de faire face à la concurrence déloyale des laboratoires étrangers auxquels elle laissait l'exploitation de 50% de parts de marché, et il n'est nul besoin de s'étaler sur les procédés qui expliqueraient une telle démarche. D'ailleurs, l'unité, ou du moins une partie de ses installations concernées par cette extension, n'a-t-elle pas été victime de tentatives successives de sabotage. En somme, un véritable thriller. Et là où ces tentatives bruyantes et musclées n'ont pas abouti, un autre travail de sape semble avoir pris le relais histoire de renvoyer aux calendes grecques la livraison définitive du projet.En attendant, ce sont les diabétiques qui sont invités à prendre leur mal en patience et différer leurs attentes à des jours meilleurs.