Photo : S. Zoheir Par Kamel Amghar écrire pour les enfants est un acte délicat. L'exercice est franchement laborieux dans la mesure où il exige beaucoup de finesse et d'imagination. Mettre noir sur blanc, harmonieusement et à la fois l'innocence, l'instructif, le féerique et le merveilleux n'est pas chose aisée et à la portée de tous. L'enfant est naturellement très exigeant et sa curiosité, toujours si vive, réclame constamment des détails auxquels un esprit «adulte» n'accorde pas souvent beaucoup d'importance. Une difficulté qui explique, peut-être, le peu d'œuvres destinées au jeune lectorat. En matière de théâtre aussi, très peu de pièces ont été produites pour les enfants. C'est probablement à cause d'une vision éculée qui veut que le théâtre destiné au jeune public soit considéré comme un art mineur. Une espèce de confusion entretenue entre le clown, la marionnette, le spectacle de magie, le film d'animation et le théâtre. En fait, le théâtre pour enfants est relativement très récent en Algérie. «Ses débuts effectifs remontent à l'année 1975 au Théâtre régional d'Oran avec la mise en scène du spectacle Ennahla», précise Ahmed Ziane, un universitaire qui prépare une thèse de magistère sur ce sujet. De 1976 à 2007, les 6 théâtres régionaux et le TNA réunis ne totalisent que 51 travaux dans ce domaine. Une moisson jugée trop insuffisante pour parler d'une quelconque dynamique théâtrale. Sur cette cinquantaine d'œuvres produites, le TRO en compte à lui seul onze, dont El Bhira et Erroudjouae (le Retour). Le Théâtre régional de Sidi Bel Abbès, qui s'est lancé à son tour dans cette discipline en 1983, en a produit sept. Ziane, qui s'est exprimé lors d'un colloque conjointement organisé par le TRB et le ministère de la Culture sur ce thème, souligne le mérite des dramaturges et des intellectuels comme Abdelkader Alloula, Kateb Yacine, Ada Bensmicha, Ghouti Azri, Munira Haddad, Arezki Tahar, Saïd Derradj ou Djamel Hamoudi dans le lancement et l'accompagnement de ce genre de productions culturelles et éducatives en initiant des ateliers à cet effet. Le TNA, qui a monté son premier spectacle en 1986, totalise, quant à lui, 9 pièces, dont Echatrine, Ennamala oua esserssour, El Amir essaghir. Suivent, loin derrière, le TR Annaba avec 4 pièces, Batna 6 pièces, Béjaïa 4 pièces et Constantine 2 pièces. Les troupes indépendantes et les coopératives théâtrales, encadrées par les théâtres régionaux, se partagent les 8 pièces restantes. Dans les statistiques d'Ahmed Ziane, on distingue cinq grandes étapes : l'ébauche dans l'ouest du pays (1976/1983), la généralisation (1983/1988), le passage à vide (1989/1992), la relance (1992/1999) et le renouveau (2000/2007). En effet, on assiste ces toutes dernières années à un sensible regain d'intérêt mais sans pour autant atteindre le succès escompté. «Le manque de textes, les faiblesses de l'édition, les défaillances de la critique, la réduction des offres de formation, l'absence d'une politique de promotion sont autant de facteurs qui empêchent l'éclosion d'un véritable théâtre pour enfants», estime, de son côté, le dramaturge Mokhtar Athmani, qui souligne l'importance du quatrième art dans la stimulation des facultés créatives de l'enfant. «Le théâtre éveille la conscience du jeune public. Il le prépare à affronter les défis du progrès et de la modernité. Il permet également de lutter efficacement contre les idées rétrogrades et obscurantistes», ajoute-t-il, en appelant les spécialistes à ouvrir un large débat sur ce dossier. Omar Fetmouche, directeur du TRB, situe le problème à un niveau supérieur en évoquant «la crise esthétique» dans laquelle se débat tout le mouvement théâtral national depuis le début des années 1990. Il s'est engagé à pérenniser ces journées nationales du théâtre pour enfants afin d'en faire un espace ouvert au dialogue et à la réflexion sur la dramaturgie et les arts de scène. Notons, en conclusion, que des ateliers de formation ont été ouverts à cette première édition au profit des animateurs de théâtre. Taos Khazem, spécialiste algérienne établie aux Etats-Unis, a, en effet, encadré une quinzaine de stagiaires venant de différentes wilayas du pays. Les expériences tunisienne et française ont été présentées à cette même occasion. Des troupes d'amateurs venant d'Oran, de Tiaret, de Sidi Bel Abbès, de Djelfa, de Relizane, de Boumerdès, de Béjaïa, de Constantine, de Touggourt, d'Ouargla, de Sétif et de Annaba se sont également produites une semaine durant à la maison de la culture Taos Amrouche, dans la petite salle du TRB, les hôpitaux, les centres dédiés à l'enfance et les centres culturels d'une dizaine de communes à travers la wilaya de Béjaïa.