Une fois réélu, le président Bouteflika s'est déclaré fidèle à ses engagements. Et comme en politique le facteur psychologique est déterminant, il s'est dit «motivé au plus haut point» pour «réaliser ses promesses» et faire de l'Algérie «un pays fort». Le credo et l'hypermotivation ainsi affichés, se pose la question des compétences sur lesquelles il compte s'appuyer pour y parvenir. La question est un vrai casse-tête chinois. Reconduira-t-il les mêmes en privilégiant les principes de fidélité et de loyauté, donc, le fameux changement dans la continuité ? Ou bien, se rappelant le Principe de Peter, injecterait-il du sang neuf en procédant à un vaste mouvement de renouvellement des cadres ? Mais quelles que soient ses intentions, s'imposeraient à lui Principe de Peter et principe de réalité. Sensible, le sujet n'épuise pas le questionnement : comment ferait-il dans un pays où il n'y a pas de cabinets de recrutement, de chasseurs de têtes, de banques de données de CV de cadres de haut niveau, de profils rares et spécialisés et des annuaires d'anciens élèves des grandes écoles ? Son problème est d'autant plus compliqué que l'excellence, le mérite et le principe de «the right man at the right place» ne constituent pas les titres les plus brillants de la gouvernance algérienne. Reste pour lui alors le recours aux méthodes d'approche directe propres aux réseaux personnels et à ceux de l'Etat, de l'Administration, des élus et des partis politiques. Y puiser de nouveau, avec un niveau d'exigence plus élevé que d'habitude, relève évidemment du principe de réalité. Le faire, c'est se soumettre à la loi de la nécessité mais ce ne serait pas suffisant. La nature de cette réserve de cadres connus ou dûment répertoriés dans des fichiers confidentiels, relevant parfois de la haute police, fait penser au fameux Principe de Peter. Comme l'a défini Laurence Peter, tout employé tend à s'élever à son niveau d'incompétence. Et, avec le temps, phénomènes d'usure et d'accumulation de fonds de routine aidant, tout poste sera occupé par un incompétent incapable d'en assumer la responsabilité. En Algérie, où ce principe a trouvé bonne fortune, les incompétents sont parfois, pour ne pas dire souvent, choisis en fonction de critères subjectifs comme le «benâammisme», le tribalisme, le régionalisme, le «khobzisme» et autres liens de solidarité. C'est la fameuse loi de Dilbert, version algérienne, stipulant que les incompétents seront affectés aux postes où l'on est sûr qu'ils «produiront le moins de dégâts» et où ils ne gêneront pas. En Algérie, cette exception est érigée en règle. Même le privé n'y échappe pas. Sans doute que le chef de l'Etat ne l'ignore pas qui veut imprimer sa marque à l'Histoire. Qui sait aussi que l'Algérie est jeune et regorge de compétences en marge du «Système» et à l'étranger. Que 47 ans après l'indépendance, elle est harassée de voir les mêmes clientèles classées, déclassées et recyclées occuper les premiers postes et investir les niveaux intermédiaires. A 70% âgé de moins de vingt ans, le peuple veut du sang neuf et de nouveaux visages. Ouvert sur le monde, il a adopté la méritocratie comme seconde religion. Il croit profondément que la compétence est son messager. N. K.