Un rebond ? Sans doute. Une reprise ? Pas avant 2011. La France est loin d'être tirée d'affaire, estiment les conjoncturistes interrogés par le Monde. Les entreprises continuent d'ajuster leurs stocks. Le taux de chômage va rester sur une pente ascendante en 2010 pour s'établir en fin d'année autour de 11%. La sortie de crise, au sens d'un redémarrage durable de la croissance, n'est ni pour cette année ni pour 2010. Dans ses prévisions trimestrielles du 7 avril, Mme Lemoine ajoute : «Une fois la crise financière passée», la France se heurtera encore aux problèmes suivants : «la reconstitution des fonds propres bancaires, la récession industrielle, le refinancement à moyen-long terme, la remontée du chômage, la poursuite de l'ajustement immobilier et le dérapage des finances publiques». Directrice des études économiques du numéro un français de l'assurance crédit (Euler Hermes Sfac), Karine Berger ajoute, comme en écho, qu'il ne faudrait pas «prétendre que la crise est derrière nous dès que les enquêtes de conjoncture se stabilisent ou remontent». La chute de la production manufacturière va conduire les entreprises à réduire leurs coûts et à licencier, et le chômage et les défaillances d'entreprises vont s'accroître. Tout en prévoyant un fort recul de la croissance au premier trimestre 2009, autour de -1%, Mme Berger table ensuite sur un «rebond technique». «On ne peut pas continuer à détruire de la valeur», fait remarquer l'économiste qui s'inquiète de l'absence de traitement du problème bancaire en Europe et n'écarte pas pour la France l'hypothèse d'une croissance durablement inférieure à 1% (+0,5% en 2010). Compte tenu de l'effet attendu des plans de relance européens sur la consommation et d'un dégel espéré des flux de capitaux, «il y aura un rebond en 2010», croit aussi Sylvain Broyer, mais non pérenne. «Ce sera juste un hoquet», renchérit Eric Heyer. L'économiste de l'OFCE estime que l'ajustement des entreprises n'est pas achevé et que la consommation des ménages pourrait se trouver amputée à la fin de l'année en raison de plusieurs facteurs : baisse de la valeur de leur patrimoine, diminution de leurs revenus liée au ralentissement de la progression des salaires et à l'aggravation du chômage. «On détruira 640 000 emplois cette année et encore 250 000 en 2010», prévoit-il. Inquiet à l'idée que l'Etat, confronté à des déficits publics très élevés (6,1% du PIB en 2009 et 7,2% l'année suivante), puisse hésiter à poursuivre sa politique expansionniste et retarder d'autant la sortie de crise. C. G. In le Monde du 20 avril 2009