Le manque de modération dans la pratique de la pêche avec des filets pélagiques observés ces dernières années a eu comme conséquence immédiate de faire fuir la sardine au-delà des trois miles marins. On pêche de moins en moins de poisson bleu à l'intérieur de cette zone. Une sérieuse menace pèse donc sur nos ressources halieutiques dont 80% vivent près des côtes. Dès lors, une question s'impose : comment parvenir au plus vite à régénérer nos stocks de poisson ? Pourtant, cette situation de déstockage massif de la faune marine côtière aurait pu être évitée si seulement des règles élémentaires de pêche dans la zone de trois miles marins avaient été appliquées à la lettre. D'autant plus qu'une loi existe mais devant les faibles niveaux de pêche actuels il faut croire que cette dernière n'a pas connu d'application ou, du moins, n'a pas eu d'effet dissuasif sur certains comportements des patrons de pêche. De toute évidence, l'arrêté ministériel du 24 avril 2004 fixant des limitations d'utilisation des chaluts pélagiques, semi-pélagiques et de fonds dans le temps et dans l'espace n'a pas eu d'impact à ce jour. Il suffit de faire un tour du côté des ports de pêche pour se faire une idée de l'application de cet arrêté. C'est dire que du côté des exploitants de la faune marine côtière on a fait fi de tout règlement en vigueur. Dans cette profession, on a continué de pêcher sans limite et à toute période de l'année, en d'autres termes sans se soucier des conséquences néfastes sur les stocks de la biomasse. L'indiscipline des acteurs n'a pas permis une régénération des espèces de poissons fréquentant cette zone côtière. D'ailleurs, les patrons de pêche sont les premiers, aujourd'hui, à récolter les effets de leur indiscipline dans l'exercice de leurs activités : ils rentrent très souvent bredouilles de leur sortie en mer. Les faibles quantités de pêche de poisson bleu ne suffisent même pas à rentabiliser leur sortie. Et de cause à effet, nous avons assisté ces derniers mois à une montée vertigineuse du prix de la sardine à des cimes jamais atteintes. 300 DA le kilogramme ! Pour un poisson considéré jusqu'à une certaine époque comme le produit de la mer le plus accessible aux ménages à faibles revenus. Une cherté qui, d'ailleurs, a rejoint les prix du poisson blanc, inabordable depuis belle lurette, aux pans entiers de la population. Un état des lieux qui a fait couler beaucoup d'encre, et réagir le ministère de la Pêche et des Ressources halieutiques. Des cadres du ministère, qui se sont prononcés sur la question, avouent même que nos ressources halieutiques diminuent chaque jour davantage en raison de la surexploitation et des pratiques illégales de pêche. Pour notre interlocuteur, il faut redoubler, aujourd'hui, de sévérité envers les pêcheurs réfractaires si l'on veut sauver nos ressources halieutiques d'un tarissement certain et, qui plus est, ce phénomène peut devenir irréversible. Après la disparition du mérou et des anchois, c'est le tour de la sardine. Preuve en est, «sur une biomasse estimée à 500 000 tonnes, l'Algérie a la possibilité d'en exploiter seulement le tiers, soit 170 000 tonnes annuellement», ont précisé des cadres du ministère. Quel remède, donc ? On apprendra que la première décision pour freiner ce trop-plein de pêche anarchique où l'on pêche de tout sans laisser le temps aux stocks de se régénérer, est de contrôler, à grande échelle, les filets utilisés à chaque sortie en mer des embarcations. «Le maillage des filets, de plus en réduit, ne permet pas aux bancs de poissons d'arriver à sa maturité et, partant, de ce reproduire ; un procédé qui est la principale cause de ce tarissement de la biomasse», nous a-t-on fait savoir du côté de la Chambre nationale de la pêche. Selon nos sources, il y aura un durcissement du contrôle des filets à la sortie des ports et une inspection des produits de la pêche à l'arrivée pour dissuader les patrons de pêche de toute tentative de transgresser le nouveau dispositif de contrôle en place. La mesure la plus importante aux yeux des responsables du secteur consiste en l'instauration d'une période de repos biologique qui dure du 1er mai jusqu'au 31 août de chaque année, à l'intérieur des trois miles marins pour permettre aux alevins d'arriver à maturation et de se reproduire. En clair, assurer une régénération des stocks de poissons dans cette zone côtière. Qui va se charger d'appliquer à la lettre la réglementation en vigueur ? «Les contrôles sur le terrain seront effectués par des brigades spécialisées qui seront également épaulées par les gardes-côtes et les équipes de la DCP. La loi sera appliquée dans toute sa rigueur. Il y aura des amendes, des peines d'emprisonnement et même un retrait partiel ou définitif du fascicule ou livret marin du contrevenant», précisent des responsables du secteur. On apprendra aussi de ceux-là mêmes que l'article 89 de la loi n° 01/11 prévoit des peines de prison allant de six mois à une année et/ou une amende de 500 000 à 1 000 000 DA contre tout transgresseur des périodes d'interdiction ou de fermeture de la pêche. Par ailleurs, et dans l'esprit de contrôler l'activité de l'amont à l'aval, il est prévu de mener des inspections inopinées de la qualité et du calibrage du poisson commercialisé dans les pêcheries et les marchés de détail. «Autant de mesures de dissuasion qui vont, en somme, imposer l'application à la lettre de la réglementation», a martelé le responsable de la communication auprès du ministère de la Pêche et des ressources halieutiques que nous avons rencontré. Il nous apprendra aussi que son ministère compte organiser avec les chambres de la pêche des wilayas côtières, des journées d'information se rapportant au repos biologique de la faune marine. Une initiative qui vise à sensibiliser et les professionnels et les consommateurs à l'urgence de préserver nos stocks halieutiques, notamment les espèces les plus exposées à une disparition en raison de leur surexploitation sans limite dans l'espace et dans le temps. Il s'agit donc aujourd'hui de sauver notre sardine. La responsabilité des acteurs et des responsables est engagée. Z. A.