De notre correspondant à Oran Samir Ould Ali Depuis mai dernier, les autorités de la wilaya d'Oran semblent avoir pris la mesure des dangers que l'absence d'hygiène dans les commerces et la prolifération des ordures dans la cité font courir à la santé des Oranais et donné de «fermes instructions» aux services compétents pour lutter avec toute la vigueur qu'il faut contre cette embarrassante situation. A la veille de la saison estivale, mais surtout à quelques mois du rendez-vous mondial du GNL16, la réputation d'Oran «ville sale» est soudain devenue trop lourde pour les frêles épaules des gestionnaires de la wilaya. Des rats dans la cité Malgré le triste épisode de la peste de 2003 et la «panique mondiale» qu'il a suscitée, le retour de certaines maladies moyenâgeuses, la multiplication inquiétante des intoxications alimentaires, en dépit des annonces tapageuses, la wilaya d'Oran ne s'est pas encore débarrassée de son insalubrité : «Il n'est pas normal que la deuxième ville du pays soit aussi sale, comme il est anormal que des rats circulent en toute liberté alors que nous avons connu vécu la peur de la peste. Mais que font les dirigeants de ce pays ?», se plaint t-on parmi une population qui ne comprend pas que ce même Etat qui organise annuellement le Festival international du film arabe, abrite un événement de l'importance d'une session de l'OPEP et se prépare à accueillir un congrès mondial du gaz, ne mette pas les moyens nécessaires pour se débarrasser de manière définitive du problème de la saleté. Il n'est pas inutile de rappeler, à ce titre, que les services de santé ont enregistré, en 2008, 82 cas de morsures de rats, la majorité ayant eu lieu dans des quartiers populaires comme de ceux d'El Hamri, mais bon nombre étant aussi survenus dans des quartiers huppés comme Saint-Hubert et les Palmiers. Le premier responsable de l'exécutif de la wilaya -faisant écho au lourd constat déjà établi par le Premier ministre- n'a pas été tendre avec son administration : «Oran est sale et ce n'est pas un problème de moyens mais de gestion [...] Il faut s'occuper de l'hygiène d'une manière quotidienne, y compris les vendredis et jours fériés. L'hygiène est le souci de tous les jours, de tous les instants […] Tant qu'on n'aura pas vaincu le problème de l'hygiène à Oran, tous les efforts que l'on peut faire ailleurs sont sans importance […] Tout le monde est content des grands projets en cours de réalisation à Oran, pourtant Oran est sale […]» En parallèle à ce constat, en termes de nouvelles mesures comme le renforcement des moyens de collecte des ordures ménagères, la wilaya a décidé, en mai dernier, de nommer un nouveau directeur à la tête de l'EPIC «Propreté d'Oran», établissement public chargé de la collecte des ordures dans certaines communes et de la gestion de la décharge d'El Kerma. Dès son installation, ce nouveau responsable, par ailleurs élu de l'APC d'Oran, a indiqué qu'un «programme de collecte est en cours d'élaboration» et concerne l'ensemble des zones concédées à l'EPIC (Maraval, Seddikia, Aïn El-Turck, Aïn El-Beïda, Haï Sabah et USTO). «Nous avons procédé par une étude des spécificités de chaque zone pour pouvoir élaborer un programme adéquat», a-t-il déclaré devant la presse. Mais, jusqu'ici, rien ne semble avoir évolué dans les zones citées, du moins à Seddikia et l'USTO, dont la situation reste, selon ses habitants, inchangée. A l'évidence, le nouveau programme n'a pas encore été mis en route… Le spectre des intoxications alimentaires Sur un autre registre, échaudée par les nombreuses intoxications alimentaires qui sont survenues ces dernières années, la direction du commerce a élaboré un plan d'action s'articulant autour du renforcement du contrôle, l'intensification des interventions par prélèvements d'échantillons sur les produits laitiers, les crèmes et l'eau, et du durcissement de la lutte contre l'intoxication alimentaire. La direction annonce notamment avoir «renforcé les contrôles» des différents commerces de restauration, des boucheries et des pâtisseries, par «la mobilisation de 200 agents chargés de vérifier le respect des normes d'hygiène de pas moins de 12 000 commerces», dont 1 200 boucheries, quelque 1 500 pâtisseries, 800 cafés et plus de 400 crémeries. «Mission impossible», estime-t-on ici et là, en mettant en avant le manque de moyens d'une direction qui fonctionne avec presque le même effectif depuis de nombreuses années alors que le nombre des commerces (formels ou clandestins) a connu une augmentation exponentielle. Cela étant, il faut souligner la mesure prise par la wilaya, à l'occasion de la saison estivale, «de signer et d'exécuter dans la même journée tous les arrêtés de fermeture à l'encontre des commerces qui mettent la santé du consommateur en danger». Selon les nouvelles dispositions portant sur les sanctions encourues en cas de défaut d'hygiène, introduites par la loi 09-03 relative à la protection du consommateur, ces commerces risquent des peines allant de 50 000 à 1 000 000 DA et une radiation du registre du commerce en cas de récidive, et 10 à 12 années d'emprisonnement contre des commerçants impliqués dans la vente de produits ayant engendré une maladie incurable ou la perpétuité en cas de décès. Là aussi, beaucoup à Oran doutent de l'efficacité de ces mesures. A l'oncontre du secteur informel, dont les produits périmés ou en voie de l'être constituent une menace sérieuse sur la santé d'une population dont une large partie est beaucoup plus intéressée par le prix que par la qualité. «Dans ce secteur, il est très difficile, voire impossible, de retracer un produit qui aura été à l'origine d'un empoisonnement», signale, à juste titre, un commerçant. Comme quoi, l'été sans risques n'est pas pour aujourd'hui…