L'industrie du textile, c'est près de 40 millions d'emplois dans le monde mais c'est aussi 80 000 de perdus en Algérie, des usines qui ont mis la clé sous le paillasson et d'autres placées sous perfusion financière minimalement, si ce n'est en théorie seulement, réactualisées en fonction de plans de sauvetage ponctuels et très souvent dictés par des événements exceptionnels.Il serait question dès lors dans un avenir proche -du moins la question a été évoquée- d'une relance de cette branche d'activité industrielle qui avait valu à notre pays ses heures de gloire tant il était vrai que s'équiper national était loin de relever d'une quelconque attitude chauvine, ou d'une adhésion militante au patriotisme économique… un concept encore inconnu dans la terminologie économique de nos travailleurs, leurs représentants (les syndicalistes) et les dirigeants d'entreprises. S'habiller local était spontané eu égard à la qualité de la production nationale d'une Sonitex restructurée dans diverses activités spécialisées des Enaditex, Inditex, Cotitex, Elatex, etc. D'ailleurs, l'équipe nationale de football n'avait-elle pas fait la campagne d'Espagne habillée par l'unité de Béjaïa… un fleuron économique au moment où des équipementiers comme Puma, Adidas, le Coq sportif et bien d'autres croyaient prétentieusement, se considérant, et pour cause, passage obligé en la matière… en avoir les faveurs.Le secrétaire général de la Fédération des travailleurs du textile affirmait en substance, il y a soixante-douze heures, qu'il existerait des pistes qui permettraient la renaissance de la filière pour peu que les pouvoirs publics accordent un intérêt à la question d'autant plus qu'à l'heure actuelle le Trésor public honore chaque année une facture de six milliards de dinars en importations.Légitime approche d'un syndicaliste dont la mission est de défendre évidemment l'emploi et surtout sa préservation. Mais il ne suffit pas d'avoir une approche par trop unilatérale, pour ne pas dire presque sectaire, d'une réalité plus compliquée qui ne peut s'expliquer lapidairement et autrement par le seul contexte national de l'industrie du textile dont il ne faudrait pas trop rapidement évacuer la dépendance extérieure, sinon les influences qu'il subit depuis la fin des années 80 et le premier crash pétrolier, par la modification du paysage socio- économique national, d'une part, et surtout par l'adhésion de l'Algérie aux accords d'associations de l'UE, son intégration à l'OMC et, par voie de conséquence, le respect obligé de toutes les mesures induites par les deux institutions internationales comme la levée des restrictions douanières, la fin de toute forme de protectionnisme contre lesquelles même les pays les plus développés n'ont rien pu faire. Notamment devant l'inexorable avancée d'une production asiatique (Chine, Inde, Pakistan, etc. et/ou partiellement certains anciens pays de l'Europe de l'Est.Déjà démantelé depuis une vingtaine d'années, l'appareil de production national est frappé d'obsolescence chronique ; son renouvellement, excepté la création de postes d'emploi qui s'ensuivrait et est la finalité légitime des syndicalistes, ne résorberait en rien la crise existante et n'amortirait jamais l'investissement réalisé en raison de piètres résultats largement prévisibles, et ce, quelles que soient les mesures coercitives que prendraient les pouvoirs publics, si tant est qu'ils puissent contrevenir aux engagements internationaux pris, à l'encontre d'importations. Hormis les pays d'Asie et pour cause, les pays du reste du monde ont aujourd'hui un genou à terre s'agissant de leur production textile nationale. L'instauration des quotas tout comme leur levée à travers le monde et dans les pays qui s'en sont prévalus dans un premier réflexe d'autodéfense n'ont servi à rien, leurs entreprises, malgré la présence d'une main-d'œuvre hautement qualifiée (ce qui n'est pas le cas pour l'Algérie) continuant à se délocaliser ou externaliser leurs activités.S'évertuer à croire réinstaller une époque… la belle époque à partir de propositions qui ne tiennent pas du tout compte de la réalité d'un monde implacable n'est en fait qu'ingénues rêveries. Quand, aux Etats-Unis et en Europe, des usines de textile ferment quotidiennement pour les quelques raisons ci-dessus évoquées… c'est dire que le combat est plus qu'inégal et l'entêtement déraisonnable. A. L.