Pour fonctionner, cette industrie doit importer la majorité des inputs (matières premières) dont elle a besoin et qui avoisinent les 8 milliards de DA par an. L'industrie textile algérienne est menacée de disparition. C'est le triste constat dressé par les professionnels du secteur à l'occasion d'une rencontre, organisée mercredi après-midi par le forum des chefs d'entreprises, à l'hôtel Hilton d'Alger, animée par Rédha Hamiani un des vice-présidents de cette organisation patronale et patron de la célèbre marque de chemise Redman et Mouloud Hedir conseiller du forum. “C'est le secteur qui est le plus gravement menacé dans son existence du fait de nombreux facteurs”, soutient M. Hamiani. L'industrie textile algérienne est en crise depuis la fin des années 1980. Une crise caractérisée par un découvert s'élevant, en 2001, à 15 milliards de dinars. Un marché totalement déstructuré par la concurrence induite par les importations massives de produits contrefaits et de friperie (environ 6 milliards de dinars par an). Selon Hedir, le secteur a connu une réduction de 61% des effectifs consécutivement aux différentes opérations de restructuration et de fermeture des industries publiques. Contrairement a plusieurs pays en développement où le secteur des textiles est un gisement d'emplois, en Algérie celui-ci emploie 43 500 travailleurs, représentant quelque 5% de l'emploi industriel du pays, ou 0,7% de l'emploi total. Le taux d'utilisation des capacités de production est inférieur à 35% en raison des contraintes de commercialisation (forte concurrence, offre non conforme à la demande des consommateurs sur le plan du prix, de la mode et de la qualité). Dominant dans les années 1970 et 1980, le secteur public a commencé à marquer le pas dans les années 1990 au profit du secteur privé, qui occupe 84% en termes de production. Le secteur privé produit 70% de la valeur ajoutée. Malgré sa dominance, le secteur privé est méconnu et n'apparaît pas dans les statistiques officielles. L'industrie textile, de l'avis du patron de Redman est restée totalement extravertie. Elle est dépendante à 100% des importations de matières premières estimées à 8 milliards de dinars par an (200 000 t/an de fibres). En d'autres termes, pour fonctionner, cette industrie doit importer la majorité des inputs (matières premières) dont elle a besoin. De ce fait, elle s'apparente à un simple processing, c'est-à-dire une simple transformation de matières importées. Aucune valorisation d'un produit de base local n'est opérée. Seule la ressource humaine s'inscrit en tant que valeur ajoutée. Hamiani dans son allocution est convaincu que “la situation de crise que vit le secteur n'est autre que l'aboutissement des erreurs de stratégie, des insuffisances et des dysfonctionnements du model originel de développement”. Hamiani reproche aux autorités de l'époque d'avoir procédé à l'implantation “des usines par saupoudrage sur tout le territoire algérien”. Le schéma adopté a dispersé l'implantation des usines et n'a pas permis de faire les économies d'échelle et de réaliser les synergies qui auraient pu résulter de la constitution d'un pôle textile réunissant un ensemble d'activités liées entre elles par une relation technique évidente. Selon le patron de Redman, le modèle planifié a privilégié l'optique de production. Il fallait atteindre les objectifs de production fixés de façon unilatérale par le plan, dans la méconnaissance totale du marché et de ses engagements et dans l'ignorance totale des motivations des consommateurs et de leurs besoins. Sur le plan process, la technologie de l'industrie textile nationale s'articule sur une chaîne de fabrication intégrée sur le plan vertical en disposant des activités de filature, tissage, teinturerie, finissage, bonneterie, confection. Le parc équipements date, en moyenne, d'une trentaine d'années et nécessite des actions d'adaptation et de mise à niveau par la mise en œuvre d'opérations d'investissement. La future adhésion de l'Algérie à l'Organisation mondiale du commerce menace le secteur d'une disparition totale ou partielle du paysage industriel textile algérien. D'autant que l'Algérie, à la lumière de chiffres exposés par M. Hedir, est complètement absente des flux d'exportations internationaux dominés par 12 pays, dont la chine à elle seule accapare 18% du marché. Des mesures de relance (privatisations, mise à niveau des entreprises, lutte contre la contrefaçon et les importations massives de friperies) prennent donc aujourd'hui un caractère d'urgence. Que faut-il faire ? Quelles pourraient être les perspectives d'un secteur dévitalisé par tant d'hémorragies et qui ne finit pas de payer sa croissance artificielle, loin des enseignements du marché ? Le secteur possède-t-il encore le ressort et l'énergie nécessaires pour affronter un marché local volatile qui se venge de tant d'années d'insatisfaction et de non-prise en compte de ses besoins ? Le forum des chefs d'entreprises, comme force de proposition, se penche sur le secteur, en associant les professionnels et tous les acteurs du secteur, en suscitant la réflexion, l'analyse et surtout des propositions de nature à rendre plus visible et peut-être meilleur le devenir de cette grande activité. M. R.