Il y a 54 ans, le 20 août 1955, les dirigeants de la révolution algérienne, menés par Zighoud Youcef, lançaient une offensive généralisée dans le Constantinois, à la fois pour permettre aux combattants des Aurès de desserrer l'étau que les militaires français leur imposaient depuis le déclenchement de la guerre de libération nationale neuf mois plus tôt et pour apporter à l'opinion internationale la preuve que la révolution était d'essence populaire. Une année plus tard jour pour jour, soit le 20 août 1956, le Congrès de la Soummam qui se tenait dans les montagnes d'Ifri, près de Béjaïa, accouchait d'une plate-forme politique qui définissait le processus de poursuite du mouvement de libération et entérinait «la création d'un Etat parallèle à l'Etat colonial en Algérie», selon l'expression d'un des acteurs de la révolution. Après huit ans de lutte acharnée et un million et demi de martyrs, l'Algérie triomphait du colonialiste français et arrachait enfin son indépendance… Depuis maintenant 47 ans, l'Algérie indépendante exige que la France fasse acte de repentance et reconnaisse des crimes de guerre qu'elle a commis contre le peuple algérien afin que les relations entre les deux pays gagnent en sérénité et que les deux peuples puissent bâtir un avenir commun débarrassé des lourdes réminiscences du passé. Dans sa vision de ce que devrait être la repentance de la France quant à son passé colonial en Algérie, l'historien Benjamin Stora, grand connaisseur du Maghreb et du colonialisme, avait confirmé que la France devait faire face aux faits historiques : «La France est-elle prête à reconnaître sa responsabilité dans les milliers de morts de Guelma, de Sétif ? Est-elle prête à accepter que l'histoire s'est faite, à entrer dans la souffrance des autres ? Il ne s'agit ni de moralité ni d'excuses mais de reconnaissance des faits. Tant qu'ils ne seront pas reconnus, de l'autre côté de la Méditerranée, on ressentira cela comme du mépris…», a-t-il notamment affirmé en insistant sur la nécessité que la France reconnaisse les exactions commises par son armée en Algérie (comme l'avait fait Jacques Chirac à Madagascar) et que les outils de la transmission de l'histoire par le biais des lieux de mémoire, des monuments et des manuels scolaires se développent davantage pour en finir avec «l'identité fantasmée que les enfants français ont héritée d'un récit fantasmé de la présence française en Algérie». En un mot, dit-il, il faudrait en finir du côté français avec la remise en question de l'indépendance : «Trop de nos concitoyens, beaucoup plus qu'on ne le croit, continuent à considérer la perte de l'Algérie comme une erreur tragique.» Aujourd'hui, la commémoration des 20 Août 55 et 20 Août 56 intervient alors que la France de Sarkozy campe sur l'idée véhiculée par la loi du 23 février 2005 selon laquelle la colonisation a apporté des «bienfaits aux Algériens» et refuse toujours de reconnaître sa responsabilité dans les souffrances engendrées par le système colonial. Ce qui ne manque pas de susciter les interrogations de l'historien Mohamed Harbi sur ce «deux poids, deux mesures» «Comment se fait-il que le président Chirac dénonce la répression coloniale de 1947 à Madagascar, donne de la voix pour la reconnaissance du génocide arménien et ne fasse rien pour l'Algérie ?» C'est ce que se demandent également de nombreux Algériens et Français, inquiets de l'immobilisme des relations entre les deux pays, alors que les facteurs qui les rapprochent sont plus nombreux que les différends qui les opposent… S. O. A.