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Du bien vacant à la propriété privée
Détournement du patrimoine immobilier
Publié dans La Tribune le 19 - 09 - 2009

«La valise ou le cercueil», une expression chère aux libérateurs du pays qui venaient avec l'ensemble du peuple algérien d'accéder à l'indépendance. Avec la précision que ceux qui voulaient rester en Algérie jouiraient des mêmes droits que les citoyens algériens sans discrimination aucune. La plupart des Français ont demandé leur rapatriement, abandonnant leurs maisons en Algérie. Des villas, des appartements, voire des fermes ont ainsi été vidés. Cela a fait le bonheur de beaucoup d'Algériens qui ne se sont pas encombrés d'amabilités pour prendre d'assaut les maisons vides. C'est de bonne guerre. Ils ont vécu des années durant dans la privation et des conditions précaires. A part cela, les autres bâtisses ont été classées par l'Etat comme biens vacants et pris en charge dans le cadre des Offices de gestion immobilière. Et c'est le système de location qui a été adopté à travers la distribution des logements, notamment dans les immeubles. Les logements individuels ont, eux aussi, été versés aux OPGI, ou encore les domaines. Les autres bâtisses avaient été transférées vers les institutions de l'Etat (Présidence, ministères, commissariat à l'agriculture, etc.). Lesquelles mettaient à la disposition de leur personnel, les cadres notamment, des logements de fonction et/ou d'astreinte. Jusque-là rien d'anormal. Et le patrimoine immobilier était bien préservé, si l'on excepte les propriétés privées qui appartenaient depuis longtemps aux quelques grandes familles, bien connues et qui se comptaient sur les doigts. 1981, deux ans après l'accession de Chadli Bendjedid au siège de la Présidence, l'Assemblée nationale adopte une loi sur la cession des biens de l'Etat. Le but «avoué» était de permettre aux citoyens qui le désiraient de devenir propriétaires de leurs logements avec paiement étalé sur plusieurs années. La loi a édicté des restrictions aux cessions Parmi les bâtisses, locaux ou immeubles incessibles, il est cité, entre autres ; «les logements d'astreinte indivisiblement liés aux immeubles utilisés par le parti, l'Etat, les collectivités locales et les entreprises, établissements et organismes publics ainsi que les logements nécessaires à l'exercice de fonction et ceux liés directement à l'exploitation des unités industrielles et minières […], les locaux et immeubles classés comme monuments historiques, les biens immobiliers bâtis, rattachés aux exploitations du secteur socialiste agricole […]». En fait, cette loi, si elle a bénéficié aux salariés qui voulaient investir le fruit de labeur dans l'avenir de leurs enfants, elle n'en a pas moins fait le bonheur de ceux qui, en principe, n'étaient pas dans le besoin. On se souvient qu'à l'époque, la vox populi commentait largement le texte en précisant qu'elle avait profité aux nantis qui allaient acquérir de luxueuses maisons pratiquement au dinar symbolique. Et cela a été le cas. Ils sont nombreux, en effet, à avoir, à l'époque, graissé la pâte aux métreurs et autres évaluateurs pour fixer le plus bas prix possible.
C'est ainsi que des maisons avec terrain qui coûtaient quelque 50 millions de dinars ont été cédées, par ces pratiques, à 100 000 ou 200 000 DA. Certes, le coût de la vie n'était pas le même et le pouvoir d'achat des Algériens était des plus appréciables. Mais cela ne justifiait guère cette dilapidation. Ce n'est pas tout. Les logements d'astreinte n'ont pas échappé «au pillage». Qu'il s'agisse de ministères et d'administration, presque aucun bien immobilier n'a échappé aux velléités d'accaparement. Non contents de vivre aux frais de la princesse par la fonction qu'ils occupaient, ils ont été jusqu'à convoiter des sites, parfois classés historiques. Ils ont bénéficié de désistement de la part de leur institution.C'est le cas de plusieurs biens immobiliers appartenant au ministère des Affaires étrangères, tels d'anciens siège de représentations diplomatiques étrangères, ou encore du centre familial de Ben Aknoun où des personnes n'ayant plus rien à voir avec la CNAS continuent d'y vivre. La CNAS qui détient un patrimoine appréciable à l'étranger (châteaux et centres de repos) et qui n'a toujours pas été récupéré. D'autres sites censés représenter un pan de l'histoire de notre pays, y compris celle d'avant la colonisation), ont fait l'objet de la rapine et détournés. Le palais du dey
à Hussein Dey en est une illustration. Versé dans le patrimoine de l'agriculture, il est devenu un logement de fonction, avant que la famille qui y habitait ne décide de le remettre aux services de la commune afin d'en faire une sorte de musée ou à la limite une pouponnière pour les orphelins de la guerre de libération. Il a été tout simplement transformé en lycée (Boulkine). Des baraques, ressemblant à des couvoirs ont été érigées dans l'immense potager doté d'un grand bassin pour le lavage des légumes. Le dôme a été carrément détruit. En un mot, il est dans un état de délabrement avancé. Les villas Joly, Susini, autrefois centres de détention et de torture abritent aujourd'hui des administrations, alors qu'elles devraient servir de référence à l'écriture de l'histoire et un lieu privilégié pour les jeunes générations. Mais la prédation et la rapine ont pris le dessus sur l'héritage de la collectivité nationale.
F. A.


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