De notre correspondant à Béjaïa Kamel Amghar Le football draine de grosses sommes d'argent. Il constitue aujourd'hui une véritable industrie qui échappe complètement à tout contrôle financier. Présidents de club, entraîneurs, athlètes, agents et autres recruteurs y trouvent tous leur compte. Aux subventions publiques du sport au niveau local viennent s'ajouter les droits de retransmission des rencontres, les recettes des entrées au stade, les contributions des supporters et la vente de produits dérivés. Mais les grosses sommes proviennent surtout des parrains officiels des différentes équipes. Le sponsoring sportif, bien que relativement récent en Algérie, a connu un développement fulgurant. En accordant d'importants avantages fiscaux aux entités économiques qui y souscrivent, l'Etat a manifestement donné un bon coup d'accélérateur à cette nouvelle culture du mécénat. De grandes entreprises publiques et privées ont adopté ces dernières années cette forme de communication pour défendre leur image à travers le sport roi qui mobilise toujours les masses malgré tout le recul enregistré sur le plan technique. Elles consacrent à cet effet des budgets conséquents. Sponsor major du football algérien, la Sonatrach prend annuellement sous son aile bon nombre de clubs de première et de seconde divisions. La première entreprise nationale est, en effet, le principal bailleur de fonds de nombreuses formations de l'élite algérienne. Le logo du premier groupe pétrolier d'Afrique est sur tous les maillots. Disposant ainsi d'un bon matelas financier, les dirigeants des différentes écuries se disputent à chaque fin de saison les services des meilleurs éléments du Championnat national à coups de milliards de centimes. La formation des nouveaux talents a cédé le pas à la spéculation qui rapporte gros. Les écoles, qui jadis préparaient la relève, sont laissées en jachère. Sentant l'eldorado, de nombreux entraîneurs et joueurs étrangers ont fait également leur entrée sur le terrain. Les coachs de l'Europe de l'Est et ceux des divisions inférieures en France ont découvert cette filière algérienne qui paye bien sans rien exiger en retour. Des footballeurs africains optent aussi, de plus en plus, pour un exil doré en Algérie. Le grand problème dans tout cela, c'est incontestablement le manque de transparence. Les sponsors comme les clubs ne déclarent jamais les montants des contributions accordées. Tout se fait dans la discrétion. Cette façon d'agir entretient le flou et la suspicion qui caractérisent la gestion du football et du sport de manière générale. La législation qui régit le secteur réclame un assainissement profond pour astreindre tous les intervenants à déclarer toutes les opérations financières effectuées et à justifier l'origine des fonds employés. L'argent des sponsors publics ou privés ne doit plus servir à acheter des rencontres ou à en arranger d'autres. Partout ailleurs, les salaires des joueurs, les primes de matches et celles relatives à la signature des licences sont déclarés conformément à la réglementation, et les bénéficiaires sont soumis à une imposition. Le ministère de la Jeunesse et des Sports, la FAF et les ligues de football sont appelés, plus que jamais, à mettre un terme à ce marché informel, en exigeant des clubs sportifs une comptabilité plus saine, en édictant de nouvelles règles concernant les transferts de joueurs et en insistant davantage sur la formation. Dans ce même esprit, les sponsors –Sonatrach, en tête- sont tenus moralement de déclarer publiquement les enveloppes allouées aux clubs. En faisant cela au début ou en fin de saison, les bailleurs de fonds contribueraient à reluire davantage leurs blasons d'entreprises citoyennes et transparentes. Les autorités compétentes se rendent progressivement compte de l'anarchie qui paralyse la discipline et promettent de réagir. Hachemi Djiar, le ministre de tutelle, a déclaré récemment son intention d'appliquer de nouvelles modalités dans la subvention publique du football en insistant sur le point relatif à la formation. « Il faut établir des priorités pour les subventions des clubs dont principalement la formation des jeunes talents», a-t-il déclaré en marge d'une récente visite d'inspection dans la wilaya d'Aïn Defla. Cette promesse est évidemment de nature à plaire à tous les puristes de la balle ronde. Le plus dur reste, cependant, à faire en s'engageant véritablement dans ce sens sur le terrain afin d'y instaurer la discipline qui fait défaut depuis des années déjà. En somme, le football mobilise aujourd'hui de grosses ressources financières, et la loi est appelée à se mettre au diapason de cette réalité pour faire en sorte que le développement du sport soit le seul et unique bénéficiaire de cette manne. Il est, en effet, paradoxal de remarquer que cet apport financier considérable a été accompagné d'un recul sans précédent du sport algérien sur les plans continental et international. Les autorités, les sponsors et la FAF ont une énorme responsabilité à assumer à ce sujet.