Le football passionne en Algérie. Nos concitoyens sont de véritables férus du jeu à onze. On ne s'intéresse pas seulement aux péripéties du Championnat national et aux sorties des Fennecs, mais on regarde aussi très loin : l'Afrique, l'Europe, l'Amérique latine et l'Asie. La ferveur des supporters algériens n'a pas de frontière. On apprécie, on juge, on compare les niveaux de compétition et on exige toujours davantage de son club fétiche. Même lorsqu'on n'est pas un habitué des stades, on suit de très près ce qui s'y fait à travers les médias lourds et la presse écrite. On parle presque exclusivement de football dans nos cafés. Les équipes locales -qu'elles soient en division nationale I, en super DII, en régionale ou en pré-honneur- comptent des milliers de fans invétérés qui les suivent dans tous leurs déplacements. Il s'agit d'un véritable phénomène social qui n'échappe pas aux managers et aux publicistes. Les patrons articulent, sans exception, leur communication sur ce filon juteux du ballon rond. La quasi-totalité des entreprises privées se sont lancées ces dix dernières années dans des opérations de sponsoring sportif pour vanter les mérites de leurs produits et «rosir» leur image de marque. Chaque formation de DI ou de DII compte au moins une dizaine de sponsors officiels. Des leaders nationaux de la téléphonie comme Djezzy et Nedjma, de grands groupes agroalimentaires comme Cevital, Candia-Algérie, Ifri ou Orangina, des géants de la construction automobile, à l'instar de Peugeot, Hyundai ou Toyota, de moyennes entreprises comme les laiteries Soummam et Djurdjura à Béjaïa, tiennent à «graver» leur logo sur les maillots des joueurs des différentes équipes algériennes. On retrouve aussi des compagnies aériennes comme Aigle Azur, des géants pharmaceutiques, tel le groupe Novo Nordisk, des banques, des assureurs, des promoteurs immobiliers et des industriels qui mettent également la main à la poche pour accrocher leurs panneaux publicitaires autour du tapis vert. Ce n'est un secret pour personne, la discipline draine d'importants flux financiers. Les présidents de club brassent des milliards de dinars. Ils dépensent aujourd'hui de grosses sommes dans le recrutement des joueurs et des techniciens. On va même chercher des athlètes et des entraîneurs à l'étranger. Il y a naturellement des «affairistes» qui abusent des avantages fiscaux offerts pour échapper à leurs obligations envers la collectivité. Tous les observateurs réclament un meilleur contrôle financier des clubs pour neutraliser les faussaires. Un début de changement pointe cependant à l'intérieur même des clubs. Une nouvelle race de managers est en train de naître. De plus en plus de chefs d'entreprise, compétents et rompus aux techniques modernes de gestion, affichent leur ambition de diriger de grands clubs de football. Les pouvoirs publics se rendent aussi progressivement compte de l'anarchie qui règne dans la discipline et promettent de réagir. La tutelle a même entamé un recentrage de sa politique en matière d'attribution des subventions étatiques. La priorité est désormais accordée au sport amateur et aux écoles de formation. Une attention particulière devrait être réservée aux autres disciplines sportives comme le volley-ball, le handball, l'athlétisme, les arts martiaux ou la voile qui n'arrivent pas encore à capter l'intérêt des sponsors. Toutes ces disciplines alignent de bons résultats, mais les fonds nécessaires à leur développement leur font souvent défaut. Notre élite footballistique est implicitement sommée de se professionnaliser pour se mettre aux standards internationaux en la matière. La fin du bricolage s'annonce, surtout, au sein même des différentes écuries. Il y a partout des gens qui voient grand pour ne pas s'accommoder encore longtemps avec le folklore actuel. «Le sport est devenu un puissant vecteur de communication et, de ce fait, dirigeants sportifs et d'entreprise doivent inclure dans leur structure et leur stratégie la notion de marketing», a-t-on conclu récemment au cours d'un séminaire international dédié à cette question. La volonté politique existe, les moyens et les compétences sont disponibles et l'expérience viendra en travaillant. Tous les ingrédients sont là pour réussir ce challenge. K. A.