La question relative aux familles expulsées continue malheureusement à se poser avec acuité. Si certaines d'entre elles sont recueillies par des proches ou des amis (dans l'attente qu'une solution soit trouvée à leur problème), nombreuses sont, en revanche, celles qui se retrouvent à la rue sans aucune assistance. C'est ce qui a été rappelé hier par le comité «SOS Expulsions» lors d'une conférence de presse. Selon Salmi Hakim, son porte-parole, les cas dont ils ont (lui et ses collaborateurs) connaissance ne reflètent pas la réalité du terrain dans la mesure où nombreux sont ceux qui souffrent en silence, ne daignant pas en informer la justice ou le mouvement associatif car ayant peur des représailles qui pourraient en découler. «Nous sommes destinataires de lettres et d'appels anonymes faisant état de graves dépassements. Leurs auteurs, habitant des endroits dangereux, estiment qu'ils risquent leur peau si jamais leur problème est rendu public», précisera-t-il. Dans son intervention, Me Zehouane, président de la Ligue algérienne des doits de l'Homme, mettra en exergue la portée sociale des expulsions. «Chaque jour que Dieu fait nous accorde son lot de mauvaises nouvelles. Ce qu'il y a lieu de souligner, c'est qu'à chaque fois, nous prenons connaissance de cas aussi originaux les uns que les autres», soulignera-t-il.Lui emboîtant le pas, Me Noureddine Belmouhoub, porte-parole de cette ligue, lancera un message au président de la République, en sa qualité de premier magistrat du pays, garant de la bonne application des lois, afin de lui dire qu'à l'occasion de l'ouverture de l'année judiciaire, la conjoncture se prête pour une révision de cette politique d'expulsion tous azimuts. «Ce qui se passe est un véritable drame social. Ce qui intrigue le plus, c'est la célérité avec laquelle les décisions d'expulsion son rendues xécutoires», relèvera-t-il. Présent à la conférence de presse, un jeune père de famille s'insurgera contre le fait qu'il ait été expulsé de son bien (un fonds de commerce acheté à un ressortissant français en 1963, avec un appartement au premier étage) en dépit des documents attestant que son père (aujourd'hui décédé) en soit le véritable propriétaire. «C'est un inspecteur divisionnaire des douanes qui l'a accaparé illégalement. Pour arriver à ses fins, il n'a pas hésité à se faire assister d'un notaire de Ghardaïa. Du jour au lendemain, je me suis retrouvé à la rue», dira-t-il, la gorge nouée. L'autre cas aussi poignant est celui de cette femme de Belouizdad qui affirme avoir bénéficié, en 1992, d'un logement en bonne et due forme (dans le cadre d'un contrat de location) de l'OPGI. «Mais une fois à l'intérieur, grande fut ma surprise quand, quelque temps après, une personne est venue me voir, me disant, en m'exhibant un document, qu'il en était le propriétaire et ce, depuis 1989. Le 22 octobre dernier, j'ai été expulsée de ce logement», dira-t-elle avec peine.Un intervenant fera allusion à l'état dépressif de nombreux chefs de famille. «Le désarroi de certains est tel qu'ils pensent au suicide. Un de vos confrères y a d'ailleurs fait allusion aujourd'hui en évoquant la tentative de suicide d'un père de famille à Mila», soulignera-t-il, rappelant qu'il y a à peine une semaine, à Chlef, un père de famille s'est immolé avec l'un de ses enfants. Un autre intervenant s'interrogera au sujet du fait qu'au lieu de les soutenir, certaines personnes, en guise de solution à leur problème, et croyant les conseiller, leur proposent d'opter pour la location d'appartements. «Mais, ne vivons-nous pas dans le même pays ? Ne savent-ils pas que cette dernière coûte les yeux de la tête, un simple F2 à Bab El Oued est loué à 20 000 par mois ?» s'interrogera-t-il. Une chose est certaine : les familles expulsées ne comptent pas rester les bras croisés. Elles sont déterminées à aller jusqu'au bout pour faire valoir leurs droits. Selon elles, si aucune solution ne se profile à l'horizon, elles accroîtront leur action de protestation. «Il est anormal que des personnes soient en possession de 2 ou 3 villas [pour les logements, mieux vaut ne pas en parler] au moment où d'autres s'entassent à 12 ou à 13 dans un F2. Il est vraiment temps de mettre le holà à cette injustice criante d'autant que de nombreux appartements, pas uniquement à Alger, sont fermés. On ne peut pas mettre des gens à la rue et faire preuve d'indifférence à leur égard en ne leur trouvant pas de solution. Ne pas les secourir est assimilable à la non-assistance à personne en danger», concluront nos interlocuteurs. B. L.