Bachir Boumaza s'est éteint hier à l'âge de 82 ans en Suisse. Le premier président du Conseil de la nation était malade depuis quelques années, mais sa silhouette frêle et son tempérament de battant l'aidait à résister à tous les assauts. L'Algérie perd en Boumaza un grand homme politique, une mémoire phénoménale du mouvement nationaliste et un témoin clé des massacres de mai 1945. C'est à ce titre qu'il a créé la fondation du 8 Mai 1945 qui s'est constituée en véritable rempart contre le révisionnisme et l'oubli et qui était le fer de lance du combat pour exiger de la France un acte de repentance. C'est le 26 novembre 1927 que Boumaza vît le jour à Kherrata, ville martyre des massacres commis par la folie meurtrière des colons, de l'armée et de la police coloniales. C'est dans cette petite ville prise en étreinte par des montagnes auxquelles elle s'accroche que Si Bachir a tété le sein de l'amour de la patrie, qu'il s'était initié à l'action politique au sein du Mouvement pour le triomphe des libertés démocratiques (MTLD), après avoir vu les siens se faire jeter vivants par-dessus les falaises et les cimes des massifs environnants. Boumaza s'était alors, au même titre que ses compatriotes de Guelma et de Sétif notamment, rempli de haine à satiété contre le colonialisme et toutes les formes d'injustice. Au sein du MTLD, le jeune Boumaza était proche de Messali qu'il avait accompagné lors d'un voyage en France en 1951. Cependant, sa fougue et son penchant précoce pour l'action armée l'ont aidé à se rapprocher vite du CRUA puis du FLN pour jouer un rôle crucial dans l'avènement de la Fédération de France du FLN. Boumaza a été arrêté en 1955 et transféré dans un camp de concentration à Aflou d'où il s'évadera avant d'être arrêté de nouveau en 1958 et incarcéré à Fresnes d'où il a fini par s'évader en 1961. Il s'était réfugié en Allemagne où il a poursuivi son activité militante jusqu'à l'indépendance. En 1962, il était proche de Ben Bella et a occupé au sein du premier gouvernement le poste de commissaire à l'information, puis élu député en septembre 1962. Après le coup d'Etat du 19 juin 1965, Boumaza s'était opposé à Boumediene et s'était réfugié en France à partir de 1966. Il s'éclipse de la scène politique jusqu'à l'ouverture du champ politique qu'il réinvestît avec la Fondation du 8 Mai 1945 avant d'être désigné à la tête du Conseil de la nation par Liamine Zeroual en 1997. Son éviction de ce poste a fait couler beaucoup d'encre. La disparition de Boumaza est une énorme perte pour l'Algérie qu'il a portée dans le cœur jusqu'à son dernier souffle. A. G.