De notre correspondant à Constantine Nasser Hannachi Constantine le malouf, Constantine le jazz, Constantine le théâtre… Constantine le patrimoine matériel ? Si, pour le volet artistique et musical, la scène locale semble avoir atteint sa vitesse de croisière dans diverses activités, en puisant notamment dans le réservoir des pouvoirs publics, il n'en est pas de même pour le secteur ayant trait à la préservation et la valorisation du patrimoine. Soutenu par quelques mécènes, dont quelques groupes sont omniprésents, ce volet, pourtant allant de concert avec les nouvelles orientations émanant des programmes ministériels, bat de l'aile. Ses gardiens doivent faire des acrobaties pour se procurer quelques enveloppes financières qui leur permettaient de fonctionner à longueur d'année. Dans cette aria préhistorique on évoque une association active, vigilante et veillant à la préservation des vestiges. Elle est baptisée «Tiddis pour les ruines et le tourisme local». Elle s'occupe du site dont elle porte le nom. Créée en mars 2004, cette alliance, dont le siège est implanté à Beni H'midane, à quelques kilomètres du chef-lieu, se démène tant qu'elle peut pour maintenir les feux des projecteurs sur ce site archéologique chargé d'histoire et d'empreintes : le vieux Constantine. «Nos objectifs n'ont pas changé d'un iota. Il s'agit de préserver le patrimoine, faire sortir cette zone de l'isolement et, par ricochet, permettre à la municipalité de Beni H'midane d'attirer le public en organisant des manifestations sportives et culturelles. En somme, une façon de “promouvoir le tourisme local”», dira le président de cette association, M. Mechati. Pari difficile à tenir alors que le site n'a même pas encore fait l'objet d'une prise en charge effective par les responsables concernés et que toutes les promesses sont restées lettre morte. On se rappelle que lors de la visite du chef de l'exécutif sur ce site en 2007, celui-ci avait ordonné l'octroi de 2,5, milliards de dinars, dont 5 millions devaient servir à l'étude de l'assainissement et l'aménagement par la mise en place d'un bureau d'études spécialisé. Il n'en fut rien. Tiddis reste en l'état et aucune concrétisation n'est venue rompre l'inertie ambiante. La direction de la culture qui chapeautait ce projet n'a pas encore entériné l'appel d'offres auquel elle est parvenue au terme de la soumission engagée en 2009. Il faudrait attendre la prise en main du dossier par le nouveau directeur de la culture, en la personne de M. Foughali, installé depuis presque deux semaines. En dépit de ces lenteurs administratives et/ou bureaucratiques, l'association «Tiddis» maintient son planning d'activités ou plutôt son plan d'action. L'animation reflète des rendez-vous annuels ponctués par un festival de trois jours, la poésie et le sport. Ils se tiennent au début de chaque printemps en collaboration avec des acteurs des wilayas limitrophes. «En marge de cela, le site ne désemplit pas. On reçoit autant de visiteurs étrangers, dont des Américains qui manifestent un intérêt particulier à ces vestiges», explique le responsable de l'association tout en se désolant devant le peu d'intérêt qu'accordent les pouvoirs publics quant à la restauration des lieux, à commencer par l'opération d'électrification. «Nous avons étalé une kyrielle de propositions aux responsables et ce, dans le seul souci de rentabiliser cet endroit historique de rare existence partout ailleurs», dira notre interlocuteur et de poursuivre : «Ainsi, l'association propose jusqu'à ce jour la réalisation des sanitaires, et AEP, l'élargissement de la route nationale pour faciliter l'accès.» Sur le plan topographique, M. Mechati recommande une délimitation du site de Tiddis. «On sait pertinemment qu'il s'étend sur 42 hectares, mais on veut connaître ses pourtours», a-t-il insisté. Il appelle les responsables de la culture à réinitialiser les opérations de fouilles qui n'ont pour l'heure concerné que 7 hectares, soit le 1/6e de la superficie totale. «Les dernières excavations remontent à 1970, grâce à André Berthier qui avait entamé les recherches en 1941.» C'est en quelque sorte un hommage rendu par l'association à cet archéologue. L'association estime qu'il est grand temps d'entamer des opérations de restauration car il est des vestiges qui commencent à prendre quelques «rides»… Dans la foulée, elle ambitionne de voir un jour Tiddis se pourvoir de son propre musée. En l'absence de cette galerie, laisse-t-on entendre, «90% des pièces présentes au musée Cirta de Constantine sont des ‘‘trésors'' provenant de ce site». En ce qui concerne le budget de fonctionnement de cette association, renouvelé en mars 2008 comme le stipule la réglementation en vigueur, il est octroyé annuellement par la direction de la jeunesse et des sports. Soit une manne insignifiante de l'ordre de 10 millions de centimes. «On effectue le parcours du combattant afin de récolter ces aides», lâche le président. En parallèle, le bureau aura bénéficié d'une modeste subvention en 2008 allouée par le ministère du Tourisme. «90 000 dinars ont permis à l'association de confectionner des dépliants en trois langues afin de les distribuer aux touristes». Pour l'année en cours, une subvention de 150 000 dinars sera octroyée dans quelques jours, c'est-à-dire avant 2010. Toutefois, l'association se doit de justifier ses actions sur le terrain afin d'attirer l'attention des caisses étatiques. Autrement, c'est les collectes des adhérents qui font de ce pôle une attraction touristique opérationnelle en continu. En définitive, le vieux Constantine ou Castellum Tidditanorum (Tiddis) est gardé naturellement par le Rhumel qui le contourne, et par une simple association dont les moyens demeurent en disproportion avec l'importance des vestiges du site. Le tourisme local ne pourra jamais décoller avec le peu d'engouement qu'on lui accorde.