De notre correspondant à Béjaïa Kamel Amghar à défaut de choix et d'initiation aussi, les goûts de l'adulte et ceux de l'enfant en matière d'art et de spectacle se rejoignent parfaitement. Un adolescent d'aujourd'hui est plus porté sur le cinéma d'action, les sports extrêmes, l'Internet et le football. L'écolier n'aime plus les séances de coloriage et de dessin. Il s'ennuie quand on lui propose un conte ou une scène de théâtre pour jeune public. Il est, en revanche, extrêmement attentif à l'équipe nationale de football, au calendrier du championnat ou celui de la Coupe d'Algérie. A chaque rencontre des Fennecs, les élèves à travers tous les établissements scolaires de la wilaya de Béjaïa désertent, sans préavis, leurs cours pour suivre le match en direct à la télévision. Tacitement, parents et enseignants cèdent à ce caprice enfantin. Même l'administration scolaire a fini par s'y faire. Le phénomène s'est tellement généralisé qu'il a fini par s'imposer comme un fait accompli à tout le monde. Le ministère de l'Education nationale s'apprête, par conséquent, à avancer la session prochaine du baccalauréat et celles des examens de fin d'année pour qu'elle ne coïncide pas avec la phase finale de la Coupe du monde 2010. Effectivement, on ne peut maintenir le programme initial au risque d'enregistrer un taux d'absentéisme astronomique. C'est dire que la chose est actuellement admise à tous les niveaux de la hiérarchie institutionnelle. Reflet exact de la société environnante, l'enfant se refuse à l'effort en préférant les plaisirs faciles de la télécommande et du clavier. Faute d'éducation et de formation, les petites têtes blondes se comportent exactement comme les adultes. Le tabagisme fait des ravages dans les cours de recréation. Les histoires de mœurs secouent épisodiquement nos lycées et nos collèges. La violence est aussi omniprésente.Sans préparation aucune, l'enfance est exposée aux rudes contingences de la vie. Psychologues et sociologues sont formels : il y a péril en la demeure. Avec ce niveau négatif de la culture, les générations futures vont droit au mur. L'instruction culturelle devrait commencer à la maison. Autrefois, les mamans berçaient leurs mômes avec des contes, des chansonnettes et des histoires fabuleuses qui éveillent en eux l'amour de la beauté et des belles œuvres. Aujourd'hui, cette tâche est aveuglément confiée à des jardins d'enfants où prime la règle du profit et de la rentabilité. Jadis, le maître d'école se donnait à fond pour initier son petit disciple aux belles-lettres et au respect de son prochain. De nos jours, l'enseignant se préoccupe davantage du volume de son portefeuille. La culture de la consommation a fini par donner d'autres sens aux mots «réussite» et «succès». Raconter un conte à son fils est perçu de nos jours comme un acte d'aliénation. Sous d'autres cieux, on se plie en quatre pour convaincre des bambins incrédules de l'existence du Père Noël. Car, on sait pertinemment qu'à cet âge-là, il est préférable de croire à ce genre de choses pour se prémunir contre les aléas futurs de la vie.Inutile de souligner à ce propos l'absence des institutions et des établissements culturels dans ce registre. Pour reprendre toujours l'exemple de la wilaya de Béjaïa, des dizaines de centres culturels restent quasiment fermés à longueur d'année. Dans toutes les communes, ces bâtiments prétendument culturels ne servent pratiquement à rien si ce n'est à abriter des campagnes électorales et des activités assimilées. De là, à parler de formation culturelle de la petite enfance, on est bien loin de la coupe aux lèvres. L'enfant, aujourd'hui, se trouve gravement exposé aux dangers de la Toile et de la télévision. Il faut absolument faire quelque chose…