Au début des années 80, de nombreux chercheurs et experts de l'audiovisuel estimaient que le temps consacré à la télévision et à la consommation de cette dernière avait des limites prévisibles. Ils argumentaient leur analyse par le fait que le petit écran risquait de faire de l'ombre et de prendre des audiences à des activités culturelles, donc à leurs industries. Ces activités dites traditionnelles (cinéma, spectacle vivant, le livre, l'opéra et la musique d'une certaine manière) pouvaient faire, selon eux, perdre des consommateurs en affaiblissant leur développement et leur rayonnement. La fin du siècle dernier et le début du XXIe ont infligé un démenti cinglant à cette lecture, malgré l'intrusion de l'Internet qui a accéléré la consommation culturelle par le piratage et le téléchargement. Au profit des internautes. Jamais depuis sont invention, la TV n'a été aussi présente, aussi innovante et diversifiée. La multiplication prodigieuse des chaînes aux quatre coins du monde a généré des techniques futuristes, un commerce florissant pour les satellites, des industries audiovisuelles qui tournent à plein rendement, un management et des créations planifiées des années à l'avance. Les TV diffusent jour et nuit, rediffusent à longueur d'année. Ce qui nécessite des programmes, parce que la concurrence commerciale, le rayonnement des cultures, la maîtrise de l'information en temps réel, la course à l'audience (revenu publicitaire oblige), la présence d'une politique étrangère partout ont fait que la TV est devenue une arme pour les industriels, les Etats qui veulent faire partie des dirigeants du monde et propager leur point de vue sur la marche du monde. Certains pays comme l'Algérie en sont encore à polémiquer sur l'ouverture des médias publics, le respect du cahier des charges, la liberté d'expression pour l'opposition et les associations, la diffusion des cultes religieux minoritaires et la répartition du temps d'antenne pour les acteurs sociaux, politiques, économiques, les citoyens et les élites. Tous ces paramètres sont réglés en Europe et dans les grandes démocraties depuis belle lurette. Des instances de régulation, des lois sur la publicité à la TV, une grille de programmes conforme à la diversité, à la démocratie fonctionnent de manière banale. Au grand bonheur des créateurs, des industries de l'audiovisuel et de la société où chacun trouve des émissions et des programmes à son goût, à son niveau socioculturel, etc. L'Algérie et sa culture n'arrivent toujours pas à mettre sur pied une politique nationale audiovisuelle pour servir aux Algériens leur patrimoine, leur passé, leurs rêves et les donner à voir au monde. Dans les grandes nations, la création d'images et de sons destinés aux chaînes de TV est prise en charge par des industries et des sociétés de programmes publiques et privées. Ces dernières ont des cahiers des charges, des syndicats de journalistes, de producteurs, de techniciens dans lesquels les intérêts sectoriels sont défendus et pour lesquels les pouvoirs publics sont partie prenante. Les objectifs étant de satisfaire des demandes, d'entretenir une culture nationale et de la répandre partout par le satellite selon des aires linguistiques, géographiques et stratégiques. Dans ce journal, il a été question d'une équipe de France 3 Corse qui tourne une série de documentaires en Algérie (1). A Timgad, Biskra, Constantine, les techniciens français s'intéressent à des oiseaux, à un instrument musical, à la flore dans des régions d'Algérie. Une seule chaîne nationale avec d'autres programmes dupliqués ne peut rendre compte des richesses d'un pays et promouvoir sa culture. Et le temps qui passe n'est pas perdu pour tout le monde. On vient ici pour tourner des images qui seront un jour achetées en devises. Là où on fait la sieste, d'autres travaillent ailleurs. A. B. (1) La Tribune du 26.01.2010