De hauts cadres du ministère des Affaires étrangères viennent de publier leurs déclarations de patrimoine dans la dernière édition du Journal officiel. Ils sont exactement une douzaine dans un département qui en compte certainement des centaines. En principe, il s'agit là d'une procédure routinière, explicitement exigée par la loi à l'endroit de tout candidat à la responsabilité publique. Mais sachant que nos personnalités, à nous, évitent toujours de parler de leur porte-monnaie, de leurs comptes en banque, de leurs biens ici et ailleurs, l'attitude civique de ces cadres du MAE mérite d'être saluée comme un gage d'intégrité morale et un témoignage de loyauté et de transparence. Aux termes de la loi relative à la prévention et à la lutte contre la corruption, tout «agent public souscrit la déclaration de patrimoine dans le mois qui suit sa date d'installation ou celle de l'exercice de son mandat électif» pour, est-il écrit, «garantir la transparence de la vie politique et administrative ainsi que la protection du patrimoine collectif et la préservation de la dignité des personnes chargées d'une mission d'intérêt public». Le ministre, le wali, le chef de daïra, le juge, le commissaire de police, le député, le sénateur, le manager de l'entreprise publique et même le maire doivent, en principe, présenter un inventaire très précis de leurs possessions et de celles de leurs conjoints à leur prise de fonctions et à la date de leur départ. Mieux, ils doivent à chaque fois déclarer toute nouvelle acquisition en justifiant l'origine des fonds engagés à cet effet. Les chefs de parti politique, les leaders syndicaux, les animateurs du mouvement associatif ou les présidents de club de football, au même titre que tout autre intervenant dans la gestion des affaires publiques, devraient également se plier à cette exigence de probité citoyenne. C'est une démarche courante qui traduit fondamentalement la conscience civique de tout prétendant à la responsabilité. Mais force est de constater que nos élites esquivent souvent cette procédure comme elles se refusent à tout débat sur leur train de vie. Quand la situation les contraint d'une manière quelconque à le faire, elles se limitent à énumérer de vieilles deux chevaux et de ridicules héritages dans le pays profond des aïeux. On cache soigneusement les villas, les grosses cylindrées et les résidences secondaires à l'étranger pour ne pas avoir à répondre sur le pourquoi et le comment de la chose. A travers toutes les villes du pays, le simple citoyen constate, chaque jour, des fortunes illégalement amassées par ceux-là mêmes qui sont censés servir le pays ou représenter ses intérêts. Des maires aux revenus très limités qui deviennent des milliardaires à la fin de leur mandat. Des députés qui font leur shopping dans les grandes capitales du monde. Des responsables véreux qui rackettent leurs administrés pour le moindre petit service. Des banquiers qui détroussent systématiquement leurs clients. Des présidents de clubs sportifs qui blanchissent les butins malpropres de la contrebande et de l'évasion fiscale. Des candidats aux élections qui se payent de grandioses campagnes avec des fonds douteux. L'argent sale est partout. En fermant les yeux sur l'application stricte et rigoureuse de la loi en question, on a permis à la corruption de prendre une ampleur dramatique. Les scandales qui éclatent chaque jour çà et là imposent l'urgence d'une riposte ferme pour stopper l'hémorragie. La déclaration de patrimoine, à elle seule, ne suffit pas pour endiguer le phénomène. Il faut aller bien au-delà. K. A.