Les directeurs des coopératives de céréales et de légumes secs (CCLS), durement pris à partie par les minotiers, les incriminant de leur livrer du blé de piètre qualité, n'ont pas manqué de mettre à profit leur dernière rencontre avec le ministre de l'Agriculture et du Développement rural, Rachid Benaïssa, pour tenter de se défendre. A ce propos, ils affirmeront que «le blé qu'on livre ne peut être mis en cause, la véritable raison de la mauvaise qualité de la farine et de la semoule sorties de certaines minoteries ne peut être que le résultat d'une mauvaise maîtrise de l'outil de production».Afin d'en savoir un peu plus sur ce conflit qu'on annonçait pourtant réglé, nous nous sommes rapprochés des directeurs des CCLS de Constantine, de Sétif et de Tiaret. Ce choix a été dicté par l'importance de ces coopératives qui sont implantées dans des régions à vocation strictement céréalière et où sont installées un grand nombre de minoteries. Il est utile de rappeler que le différend intervenu entre les CCLS et les transformateurs de blé dur et tendre est né après que les pouvoirs publics eurent sommé les minotiers de s'approvisionner uniquement auprès des CCLS de leurs localités et non par la voie de l'importation sous peine de lourdes sanctions, notamment de ne plus bénéficier des prix d'enlèvement soutenus ou de voir leurs quotas de blé réduits de volume. Dès réception des céréales venant de ces coopératives, les transformateurs ont affiché leur mécontentement parce que le blé livré était de mauvaise qualité, soutiendront-ils. Aussi, la minoterie exigeant des céréales de bonne qualité, sont-ils obligés de ne plus s'approvisionner à partir de ces points de vente, ajouteront-ils. Les transformateurs affirment que le blé qu'ils reçoivent des CCLS «est de piètre qualité, preuve en est : le taux de déchet est important et la semoule, comme la farine issues de la trituration ne donnent pas des produits dérivés (pâtes, couscous etc.) de bonne facture». La qualité des céréales mises à la disposition des transformateurs s'est, selon des témoignages de transformateurs, dégradée suite aux mauvais entreposages et/ou au conditionnement des céréales. Ces assertions sont complètement réfutées par les directeurs généraux des CCLS de Constantine, Sétif et Tiaret. Ces responsables soutiendront qu'au sein de leurs coopératives le risque d'avarie est très minime. «Nous prenons toutes les précautions nécessaires pour éviter aux céréales entreposées dans nos aires de stockages d'être exposées au risque d'avarie. Mais nous reconnaissons que le risque zéro n'existe pas, c'est pourquoi nous pouvons dire que, s'il y a avarie, elle ne peut être qu'à petite échelle», nous ont souligné nos interlocuteurs. «De là à dire que toutes les céréales proposées aux transformateurs sont de piètre qualité, c'est pure invention […]. Il est devenu facile aux transformateurs de nous accuser de ne pas garantir la qualité, puisque l'entreposage des céréales ne se fait qu'au niveau de nos coopératives», ajouteront-ils. Mais alors pourquoi les produits issus de la trituration sont-ils de qualité inférieure ? Selon nos interlocuteurs, la raison est à chercher du côté des transformateurs. «Elle ne réside pas ailleurs, car tout ce que nous livrons est indemne, du moins ce qui sort de nos aires d'entreposage». Est-ce à dire qu'il serait possible que d'autres CCLS aient livré du blé infecté ? Interrogés, les DG des CCLS n'ont pas voulu répondre à la question, et pour cause, ils ne pouvaient parler au nom des responsables d'autres CCLS. Mais ils réaffirmeront qu'ils n'étaient pas «responsables de ce qui arrive aux transformateurs. Par contre, nous pouvons avancer que dans quelques minoteries du pays, on ne maîtrise pas assez les techniques de trituration. Une déficience que les transformateurs refusent d'admettre». Mais de l'avis du ministre de l'Agriculture, les deux parties sont responsables de la mauvaise qualité des produits issus des minoteries. «Autant les minotiers que les coopératives, ils sont tous deux en partie responsables de cette situation», affirmera M. Benaïssa lors de cette rencontre avec les 43 directeurs généraux des CCLS. Transformateurs et CCLS sont ainsi renvoyés dos à dos et sommés de régler, chacun à son niveau, ce qui ne marche pas, et cela bien avant la prochaine récolte, pour ne pas retomber dans le même problème. Z. A.