De notre correspondant 0 Constantine Nasser Hanachi La population constantinoise demeure attachée aux titres de presse centralisés. En d'autres termes, aux quotidiens nationaux. Et à un degré moindre aux journaux locaux, c'est-à-dire régional, dès lors que leur champ reste fort réduit. Ainsi, les lecteurs puisent dans différents titres pour tenter un équilibre informatif permettant d'assouvir leur droit à l'information. Tandis que d'autres se contentent d'un zoom matinal pour dénicher plus que de l'info. «La bonne nouvelle qui donne de l'espoir», s'impatiente un fonctionnaire en cette période de promesses syndicales. En outre, analysera un universitaire, «depuis la dégradation du pouvoir d'achat, la population ne s'intéresse qu'aux indices économiques. La politique étant placée au second plan. Même les sujets chauds de l'actualité comme les récents scandales relatifs à la corruption sont débattus indifféremment par les lecteurs». Ces bribes d'éclairage illustrent, d'une part, la maturité à laquelle le lecteur est parvenu et, de l'autre, l'exigence qu'il émet pour être informé constamment sur les propos jugés intéressants pour son quotidien en cette situation économique peu confortable. Un autre jugement émis par une frange que l'on a accostée vient relancer le débat sur la crédibilité de quelques journaux : «A l'exception de quelques titres qui honorent les étals et par ricochet les lecteurs, on estimera que, pour le reste, ce n'est que de la poudre aux yeux au grand dam de la déontologie et de la profession bafouée. Du sensationnel pour vendre son produit. Mais lorsqu'on lit le papier franchement… on se sent ridiculisé car, entre l'annonce et le fond de l'article, grand est… le fossé. Et l'information, le quoi de neuf, crédible pour laquelle le lecteur achète son quotidien n'a pas raison.» La prolifération des titres arabophones ou francophones, ces dernières années, ont, certes, rempli les espaces vides après le soulèvement du changement : Octobre 88 qui aura fait sauter deux années plus tard le verrou de la presse partisane, et ce, à la faveur du chef de gouvernement de l'époque. Toutefois, le lectorat se trouve parfois leurré ou trahi. A ce sujet, avancera un habitué des tabloïdes, «parfois, je ne vous cache pas que, pour chercher la bonne information, je puise dans pas moins de 4 ou 5 quotidiens. Des déductions en sont faites. Mais l'habitude nous a appris qui croire ou discréditer. La notion d'appartenance des quotidiens nationaux à des sphères politiques bien déterminées demeure le baromètre des actualités». Et de reconnaître en parallèle : «Il faut rendre un grand hommage à la presse écrite qui n'a pas renoncé à sa mission si l'on met en relief le laborieux chemin par lequel elle était passée lors de la décennie noire. La presse constitue un pivot incontournable par le truchement duquel les citoyens aspirent à le voir un jour consolidé tout en étant loin d'une écriture partisane.» Il va sans dire que les citoyens approuvaient fortement l'émergence des quotidiens dits indépendants ou… plus tard privés. «Vous ne pouvez pas imaginer combien on était ravis d'avoir rompu avec le choix initial du champ médiatique. Dès l'apparition des premiers titres indépendants, on avait contribué de façon à les encourager à s'imposer après une rude transition», nous dira le directeur général d'un organisme public important à Constantine. Convaincu du «quatrième pouvoir conféré à la presse», le même interlocuteur avoue qu'il n'est point de liberté d'expression si les pouvoirs publics maintiennent leur pression sur les journalistes, affectant de ce fait leur tâche. «Tout ce qu'on revendique, c'est d'avoir un journal crédible. Il devrait répondre aux attentes de ceux qui l'achètent. Qu'il traite de politique, de sport d'économie… on aimerait avoir des données fiables à partir desquelles on sera orientés.» Sur le chapitre de la disproportion entre le nombre important de titres et la qualité de chacun d'eux, le rédacteur en chef d'un quotidien régional à fort tirage a mis l'accent sur une donne fort importante. Elle a trait à la formation des journalistes. «En dépit du nombre impressionnant de journaux, il faut reconnaître que tous ne dégagent pas un professionnalisme. Actuellement, on assiste à une prolifération des titres qui demandent cependant beaucoup de journalistes. Le manque d'encadrement et de perfectionnement montrent de l'insuffisance. Ainsi, si l'on cherche à mettre sur pied des mass médias écrits performants, seul le recours à la formation et le perfectionnement des journalistes seront payants. De nos jours, il est rare de voir des investigations journalistiques assez clean si l'on excepte ce genre pratiqué dans deux ou trois quotidiens.» Au final, la population locale rend un grand hommage à la bravoure d'une presse dite indépendante nonobstant les obstacles dressés devant les acteurs de la profession. Néanmoins, elle espère un autre essor pour les titres embourbés dans des «préconçus».