Photo : Riad Par A. Lemili Evoquer d'âpres et longues luttes pour qualifier les acquis de la presse algérienne serait un tantinet faire étalage de prétention pour ceux qui le revendiquent. Mais également le plus court moyen de donner une dimension à l'existence réelle d'une presse indépendante. Ceci dans la mesure où il ne peut être catégoriquement affirmé que les journalistes aient, un jour, été sérieusement inquiétés pour leurs écrits et si tant est qu'ils aient été effectivement source d'inquiétude pour eux. Il est plus probable que même si ceux qui ont fait l'expérience des tribunaux n'oseront jamais l'avouer et c'est l'évidence même qu'à un moment, si ce n'est plusieurs, ils n'ont pas fait preuve de professionnalisme, voire de respect de la déontologie et de l'éthique dans leurs enquêtes et plus particulièrement pour celles qui leur auraient valu des désagréments. Par ailleurs, pour être issus d'un même moule, en l'occurrence celui de la presse publique jusqu'au début des années 1990, il nous paraît pour le moins tout aussi arbitraire de cautionner ne serait-ce que le plus bref instant que les instruments ad hoc de l'Etat aient fait jouer la dissuasion sous quelque forme que ce soit à l'endroit des titres de presse autrement que pour les raisons précédemment évoquées. Nous en donnons pour preuve que c'est l'Etat qui, via la loi 90-07, a anticipé sur les velléités des précurseurs parmi les professionnels du secteur de l'information et donc salariés des publications existantes en créant le cadre idoine de la naissance d'une presse indépendante ou libre. Libre ou indépendante, ne voilà-t-il pas une question qui, à l'image du sexe des anges, n'est toujours pas tranchée. Pour des journalistes émargeant encore et dans leur majorité dans les titres publics, refuser d'écrire après les jours ayant suivi le 5 octobre 1988 est en soi, après une anesthésie ou une amnésie, c'est selon, qui aura duré un quart de siècle, une manière de protester contre une tutelle administrative autiste. Sursaut d'orgueil et point d'honneur mis à vouloir dire ce qui se passait réellement dans les rues d'Alger ont effectivement été le déclic à même de prononcer l'acte de naissance d'une presse dont une bonne partie des membres et plus particulièrement parmi les plus jeunes entretenaient un feu intérieur allumé auparavant en milieu universitaire pour un bon nombre et dans des milieux underground divers pour ceux qui ne l'avaient pas connue (université). Le vent du changement était toutefois incontournable et les responsables, intelligemment pour ceux qui avaient amplement compris que les libertés d'opinion et d'expression et d'information ne pouvaient plus être occultées et donc encore mois étouffées et que d'autres, machiavéliquement, concédaient à leur corps défendant, soupesant toutefois les grands risques d'un retour de flamme en cas de déni de droit… un droit basique en république, ont su négocier le grand virage. La loi 90-07, par conséquent, constituera la meilleure soupape de sécurité, un sas d'oxygénation de part et d'autre pour tous les acteurs de l'époque lesquels, paradoxalement, allaient pratiquement considérer les acquis qui en découlaient comme gagnant-gagnant. Alors qu'elle les mettait dos à dos et là est, sans nul doute, toute la subtilité des dispositions qu'elle contenait. Qu'il en soit jugé : Art 2 : «Le droit à l'information consiste dans le droit du citoyen d'être informé de manière complète et objective des faits et opinions intéressant la société au plan national et international et dans le droit de participer à l'information par l'exercice des libertés fondamentales de pensée, d'opinion et d'expression…». N'est-ce pas là, comparé à l'époque ante octobre 88 un véritable boulevard ouvert par l'Etat et ses institutions au libre exercice d'informer. Un libre exercice, est-il besoin d'insister, judicieusement exploité et quoique dans le désordre et jusqu'à créer l'anarchie au début des années 90, sous exploité une dizaine d'années plus tard et aujourd'hui pratiquement dévoyé ou loin des grandes aspirations à l'origine des conquêtes réputées faites depuis 1989. En fait, la presse algérienne semble être à bout de souffle. Et cela sans qu'elle n'ait à subir en réalité une quelconque pression exercée par le pouvoir et/ou ses instruments et n'en déplaise à qui affirmerait le contraire ou s'évertuerait à valider les interprétations qui en sont faites, notamment à l'étranger, par les organisations non gouvernementales autoproclamées distributrices de… bons et mauvais points. Or, plus jamais qu'aujourd'hui et que l'heure actuelle, les journalistes algériens n'éprouvent plus autant de difficultés à exercer leur métier ne serait-ce que par l'accès aux sources ou postérieurement à leur protection alors qu'elles en constituent pourtant le socle. Quid alors de revendications au meilleur des cas et de la protestation dans le pire des cas engagées en ce sens par la corporation ?