Les Turcs et les Brésiliens redoublent d'efforts dans le but d'atténuer la crise du nucléaire iranien qui pourrait avoir des conséquences fâcheuses. La Turquie et le Brésil invitent Téhéran à négocier avec «souplesse» et «transparence» avec des Occidentaux qui ne laissent aucun répit à Téhéran. La rencontre tripartite était la première depuis le vote par le Conseil de sécurité de l'ONU, le 9 juin, d'un quatrième train de sanctions contre l'Iran. Les autorités iraniennes ont gelé le 28 juin pour deux mois des discussions avec les six grandes puissances impliquées dans le dossier (Etats-Unis, Russie, Chine, France, Grande-Bretagne et Allemagne). La semaine dernière, le chef de la diplomatie européenne, Catherine Ashton, qui représente le groupe, avait jugé que les conditions étaient enfin réunies pour une reprise du dialogue avec Téhéran. Le chef de la diplomatie iranienne Manouchehr Mottaki annonce que les négociations pourraient reprendre en septembre. L'Iran, qui est inlassablement soupçonné par les Occidentaux de vouloir se doter de l'arme nucléaire, a proposé le 17 mai aux grandes puissances, avec le Brésil et la Turquie, d'échanger en territoire turc 1 200 kg de son uranium faiblement enrichi (3,5%) contre 120 kg de combustible enrichi à 20% destiné au réacteur de recherche médicale de Téhéran. L'initiative pourtant fort intéressante a été ignorée par les grandes puissances. Un autre échange avait été proposé en octobre par le groupe de Vienne (Etats-Unis, Russie, France) sous l'égide de l'Agence internationale pour l'énergie atomique (AIEA). Mais l'Iran arguant des considérations de confiance avait posé des conditions promptement refusées par les Occidentaux. Pour dépasser le statu quo le chef de la diplomatie iranienne Manouchehr Mottaki a annoncé que son pays était prêt à entamer immédiatement des négociations avec les Occidentaux sur les détails d'une proposition d'échange de combustible nucléaire qu'il avait faite en mai. Mottaki a affirmé que Téhéran allait transmettre à l'AIEA ses réponses aux questions soulevées par le groupe de Vienne (Etats-Unis, Russie, France) concernant sa proposition d'échange d'uranium. Téhéran estime que les pourparlers pourraient débuter dès que le groupe de Vienne aura exprimé sa volonté de négocier, en suggérant que la Turquie et le Brésil participent aux débats. Brasilia et Ankara seraient prêts à participer aux discussions, s'ils y étaient invités par toutes les parties concernées. Profitant de cet intermède diplomatique l'Europe décide d'adopter des sanctions d'une ampleur jugée sans précédent contre l'Iran. Une stratégie qui exacerbe la tension déjà palpable. La décision devait être prise à l'occasion d'une réunion des ministres des Affaires étrangères des pays de l'UE à Bruxelles. La série de mesures dépasse celle du Conseil de sécurité. «Il s'agira du paquet de sanctions le plus important que l'UE ait jamais adopté contre l'Iran ou contre tout autre pays» estiment les observateurs. Les Etats-Unis et l'Australie ont déjà pris des mesures d'une ampleur similaire et le Canada compte suivre. Pratiquement l'Europe s'en prend au secteur stratégique des industries gazière et pétrolière de l'Iran. Il est prévu d'interdire tout «nouvel investissement, assistance technique ou transferts de technologies, notamment pour le raffinage et la liquéfaction de gaz». Ce domaine demeure sensible : l'Iran, quatrième producteur mondial de pétrole brut, importe jusqu'à 40% de son essence. Le pays manque particulièrement de capacités de raffinage pour la demande intérieure. Le secteur iranien du transport de fret sera également durement frappé. Les contrôles dans les ports européens ou en haute mer renforcés. Le président iranien Mahmoud Ahmadinejad avait mis en garde les pays de l'UE les accusant de participer à une «guerre psychologique» aux côtés des Etats-Unis. La décision d'imposer des sanctions sévères à l'encontre de l'Iran a toutefois moyennement enthousiasmé certains pays de l'UE, comme la Suède. Pour son ministre des Affaires étrangères, Carl Bildt, «les Américains ont des sanctions en place depuis 1979 sans beaucoup d'effet». La campagne pour diaboliser l'Iran semble avoir entamé un niveau qualitatif. L'Iran est accusé de participer en secret à la déstabilisation des forces étrangères présentes en Afghanistan à leur tête les Etats-Unis en fournissant aux talibans de l'argent, des armes et l'entraînement. C'est des documents américains confidentiels diffusés par le site Wikileaks qui en font état. Ces documents contiennent des notes diplomatiques secrètes émanant de l'ambassade des Etats-Unis à Kaboul. Le quotidien britannique The Guardian en publie des extraits. Selon le journal britannique, l'Iran verserait plusieurs millions de dollars de pots-de-vin à des parlementaires afghans pour pouvoir influencer les orientations politiques. En mai 2009, le général américain Stanley McChrystal, alors commandant des forces internationales en Afghanistan, avait déclaré que «l'entraînement des insurgés se déroule en Iran». En février 2005, un rapport de la Force internationale d'assistance à la sécurité (Isaf), affirme que «le gouvernement iranien aurait offert à chaque chef insurgé une prime de 1 740 dollars pour un soldat afghan tué et de 3 480 dollars pour un responsable gouvernemental.» Ainsi face à l'inefficience des sanctions une campagne de subversion contre l'Iran est entamée. L'image n'est pas sans rappeler les fameuses armes de destruction massives ADM, prétexte fallacieux pour envahir l'Irak. Cependant une question demeurera en suspens. L'Iran a-t-il l'obligation de respecter des résolutions du Conseil de sécurité au moment où d'autres Etats membres les foulent aux pieds ? Israël, l'Inde et le Pakistan, possédant l'arme nucléaire, mais ne sont pas signataires du Traité de non-prolifération, ne sont nullement inquiétés. La Corée du Nord s'est retirée du TNP et envisage de créer une force de dissuasion nucléaire, ce qui pousse les Occidentaux à user de doigté avec Pyongyang. Pour Thierry Meyssan du Réseau Voltaire «il est tout à fait clair que le souci des grandes puissances n'est pas d'empêcher l'Iran d'enrichir de l'uranium pour fabriquer des bombes, mais de l'empêcher de maîtriser un savoir-faire qui garantirait son indépendance.» M. B.