Trois années sont passées depuis les élections communales de 2007. Quel bilan en font les présidents des assemblées élues ? Comment font-ils face aux besoins de leurs administrés en matière de logement, d'emploi et de développement local ? Nazim Chermat, l'un des plus jeunes maires d'Algérie, (28 ans), élu sur la liste d'El Islah à la tête de l'Assemblée communale de Chéraga (le parti avait obtenu 6 sièges, devançant ainsi le FLN avec 3 sièges, et le MSP 2, ainsi que le FFS et le RCD avec 1 siège chacune), détenteur d'un master en management et sciences économiques, nous livre son expérience de la gestion de la commune de Chéraga (Alger), qui compte environ 100 000 habitants et répartie sur 31 km2. Interrogé sur ses priorités, il dira qu'«en matière de développement local, notre objectif est d'améliorer le cadre de vie, la propreté et les moyens nécessaire à la vie : route, éclairage et assainissement. Et ensuite, l'attention sera accordée aux grands projets d'équipements publics, notamment piscine, stade, bibliothèque et surtout le logement, qui, avec le chômage, constitue notre principale préoccupation», a affirmé le président de l'Assemblée communale de Chéraga. Pour lui, la principale préoccupation reste le logement et le chômage. Dispose-t-il des prérogatives nécessaires pour mener à bien sa mission ? «Oui», répond sans hésitation Nazim Chermat, en ajoutant : «L'APC a une tutelle et il y a une règlementation en vigueur. Il est vrai que les procédures tardent, mais nous avons assez de prérogatives pour faire tout ce qu'on veut.» De plus, le président de l'APC indique que «la tutelle coopère bien avec nous», expliquant cela par la similitude des objectifs des élus avec ceux de sa tutelle, allant dans le sens des intérêts des administrés de la commune. Il dira que, pour mener à bien sa tâche, il s'aide des instructions de la wilaya, du ministre de l'Intérieur et des orientations du président de la République pour améliorer le cadre de vie des citoyens. Dans ce sillage, le président de l'actuelle assemblée peut se targuer d'avoir initié une politique de proximité, suivant laquelle des quartiers jusque-là «ignorés», ont renoué avec le développement. C'est avec une pointe de fierté, que M. Chermat annonce avoir «touché» des quartiers qui «ne l'ont pas été depuis belle lurette», en citant ceux d'El Kalaa, Bouchaoui I, II et III, Sémia et Douazene, qui viennent de bénéficier de bitumage et de transport scolaire. Cela sans citer un nombre de réalisations en matière d'infrastructures scolaires, parmi lesquelles ont été retenus plusieurs projets de nouveaux établissements ou d'extension d'établissements existants. En matière d'habitat qui constitue «une préoccupation essentielle», puisque la commune de Chéraga recense 11 000 demandes, il est prévu la réalisation sur ses fonds propres de 120 logements communaux dont les avis d'appel d'offres sont en cours de lancement. L'ouverture des plis est prévue le 14 novembre prochain, nous affirme le président de l'Assemblée communale, qui, à l'occasion, lance un appel aux promoteurs pour qu'ils retirent les cahiers des charges. Selon son président, l'APC de Chéraga distribuera bientôt 40 logements, à travers la commission de daïra, au profit des citoyens de la commune. Un nombre qui s'ajoute aux 600 logements déjà distribués sur son territoire jusque-là, au profit des anciens occupants d'habitats précaires. Les autres projets retenus concernent la réalisation de 200 locaux à Bouchaoui-centre, et de deux marchés parisiens à El Qaria et Sidi Hacène. Ceux-là s'ajoutent à des projets hérités des anciennes assemblées, et qu'«on a du mal à achever», dont un projet de bibliothèque, un de stade, etc. Dans ce registre, l'Assemblée communale se retrouve donc avec des projets sur les bras, notamment certains dont les travaux traînent en longueur depuis une décade. L'exemple le plus frappant est celui de la relance des travaux de réalisation de la salle omnisports Belakhdar Tahar d'El Qaria. Un projet lancé pourtant en 2000 mais dont les travaux ont été suspendus, pour le motif qu'il avait été lancé sans l'aval de la tutelle. Bien qu'il ait bénéficié d'une enveloppe financée sur le budget communal, puisqu'il a été relancé grâce au wali délégué, il tarde à voir le bout du tunnel. A l'image de ce projet, nombre de délibérations de l'APC ont fait l'objet de rejet par la tutelle. Cela n'en fait pas nécessairement une source de conflit avec la tutelle, mais cette situation vécue par ailleurs est prise avec pragmatisme. «Les rejets sont fondés», a-t-il martelé, en estimant que «l'ignorance de la réglementation est peut-être la cause de certains rejets». Notre interlocuteur souligne en outre que la tutelle s'en tient à la règlementation. «La tutelle nous remet sur les rails, pour ne pas tomber dans l'erreur, a-t-il affirmé, en expliquant la conduite à tenir qui consiste à «essayer de lever les réserves au fur et à mesure». Salutaire est, à plus d'un titre, la formation au profit des élus, organisée par le ministre de l'Intérieur. D'un mois et demi, la formation en gestion a été très bien accueillie par le président de l'APC qui en garde de bons souvenirs, surtout pour avoir «permis aux maires de se connaître et de se concerter entre eux». «Elle nous a fait du bien», a-t-il ajouté, en l'évoquant, surtout qu'elle a été ponctuée par une réception organisée par le ministre de l'Intérieur et le président de la République. En somme, depuis son élection à la tête de l'actuelle assemblée en 2007, Nazim Chermat affirme n'avoir pu réaliser que 30% de ses objectifs. Les motifs invoqués sont liés, d'après ses dires, aux lenteurs des procédures et à la non-coopération des agents. «La gestion, ce n'est pas nouveau pour moi», mais, «c'est les mentalités qu'il faut gérer», a d'emblée affirmé le président de l'APC lorsqu'il a été interrogé sur sa gestion des affaires de la commune. Il citera, en outre, une litanie de problèmes, qui vont des réticences des entreprises à participer aux avis d'appel d'offres, aux mésententes entre les entreprises de réalisation et les bureaux d'études, qui aboutissent souvent à la résiliation des contrats des uns avec les autres. Soit, un ensemble d'éléments inhérents à un environnement hostile, avec lesquels il va devoir composer. Et, du coup, cela engendre des retards considérables dans le lancement et l'exécution des projets, ce qui se répercute sur le développement de la commune dans son ensemble. A titre d'illustration, en février 2010, les services de l'APC de Chéraga ont résilié le contrat les liant à un entrepreneur portant construction d'une bibliothèque communale et d'un siège des associations. Pourtant, à bien des égards, Chéraga dispose de nombreux facteurs de développement que lui envieraient beaucoup d'autres communes à travers le pays, qui sont lourdement endettées. Car, du point de vue financier, Chéraga n'a pas à se plaindre, bien au contraire. Aucun problème de ce côté-là, bien au contraire. Elle dispose d'«un excédent» de budget. En raison de sa zone industrielle, qui est parmi les plus dynamiques, où sont installées des dizaines d'entreprises, la commune dispose, en effet, d'une recette fiscale importante. L'Etat a, de son côté, «mis tous les moyens» au profit du développement des collectivités locales. Mais, revers de la médaille, ce que ne lui envieraient pas les autres communes est d'avoir autant d'argent, sans que les moyens de réalisation suivent. A. R.