De notre correspondant à Paris Merzak Meneceur Tant décriée par plusieurs historiens bien avant sa mise en en place, sujette à plusieurs polémiques, la Fondation pour la mémoire de la guerre d'Algérie, des combats du Maroc et de la Tunisie (FMGA) a procédé hier matin à l'installation de son conseil d'administration et élu son président. C'est Hubert Falco, secrétaire d'Etat à la Défense et aux Anciens combattants, qui a installé cette structure de direction, laquelle comprend quatre collèges (fondateurs, membres de droit, personnalités qualifiées et amis de la Fondation). C'est le CA qui désignera un conseil scientifique devant comporter quatre membres. Sa dotation financière de départ est de 7,2 millions d'euros. L'Etat y contribue pour 3 millions d'euros, alors que les trois membres fondateurs, l'Union des blessés de face et de la tête connue sous le nom de «Gueules cassées», La fédération André Maginot et le Souvenir français, apportent respectivement 2, 5 millions, d'euros 1,5 million et 500 000 euros.Pourquoi cette Fondation ? Pourquoi est-elle rejetée par des historiens incontestés et incontestables qui consacrent leurs recherches sur la guerre d'Algérie ? Le point de vue officiel a eu, à l'issue de la première réunion du CA de la FMGA, l'occasion de s'exprimer et de défendre son projet. Et c'est le secrétaire d'Etat qui s'est chargé de cette mission au cours d'une conférence de presse. Hubert Falco, qui est également maire de Toulon, a mis en avant la crédibilité des trois associations membres fondateurs de la structure pour mettre en évidence son «indépendance» et son «apolitisme». Pour le ministre, «elles savent plus que tout autre que l'on ne cicatrise pas les plaies de l'Histoire par l'oubli, mais par un travail de mémoire et d'Histoire indépendant, exhaustif, rigoureux qui n'exclut personne et n'évacue aucune question». L'autre gage qui se veut de crédibilité est l'élection à la présidence de la FMGA de Claude Bébéar, un des grands chefs d'entreprise français qui consacre actuellement son temps aux quartiers difficiles des banlieues pour promouvoir des jeunes issus de l'immigration. Mais comment ne pas rester sceptique en apprenant que deux membres du CA sont les généraux Jean Salvan et de Lapres, qui ont en 2002 affiché clairement leur esprit partisan, négationniste, en étant signataires du «Livre blanc de l'armée française en Algérie» ?Hubert Falco a saisi cette opportunité pour répondre, sans les citer, aux historiens qui s'opposent au projet gouvernemental. «J'ai lu récemment, a-t-il dit, que la Fondation que nous créons aujourd'hui aurait je-ne-sais-quelle visée politique, que ses buts seraient de falsifier l'histoire de la guerre d'Algérie en imposant une vérité officielle, celle des nostalgiques de l'Algérie française […]. Le voilà le but véritable de la Fondation pour la mémoire de la guerre d'Algérie : faire mentir ses actuels détracteurs et leur apporter la preuve, par votre travail et votre action, que la Fondation est un lieu ouvert, un lieu de rencontres et d'échanges, un lieu où l'on s'efforce de réconcilier les mémoires plutôt que de chercher à les affronter continuellement.»Reste à savoir qui sont les historiens qui accepteront d'intégrer le conseil scientifique de la Fondation. «Vous ne vous arrêtez, pour les choisir, ni à leurs idées ni à leurs thèses, ni même à leur nationalité. Ils seront français, anglais, américains, allemands et même, si vous le souhaitez, algériens», a déclaré Falco à l'adresse du CA tandis que chez Bébéar le «même» a disparu en affirmant que «le conseil scientifique comprendra des Algériens qui voudraient bien en faire partie». Reste à savoir aussi si la composante du Conseil d'administration est au diapason des déclarations d'intentions du secrétaire d'Etat et du président de la FMGA. Pour les historiens signataires d'un texte publié dans le journal Le Monde (5 octobre), comme Gilles Manceron, Omar Carlier ou Jean-Claude Jauffret, la messe est dite : la FMGA est «une fondation de la mémoire partisane».