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Des historiens français dénoncent la dérive de la droite au pouvoir
Fondation pour la mémoire de la guerre d'Algérie, des combats du Maroc et de la Tunisie
Publié dans Le Temps d'Algérie le 17 - 10 - 2010

«La fondation porte en elle une vision de l'histoire inscrite dans un cadre national, célébrant une époque révolue où la France, pays des Lumières, apportait la civilisation dans des sociétés condamnées à rester en hors-champ, comme si la colonisation n'avait été qu'une affaire d'exportation européenne dans des contrées vides d'hommes et sans passé.»
A l'exemple de Sylvie Thénault, chargée de recherche au CNRS, auteur de ce passage, de nombreux historiens français se sont élevés contre l'installation, ce mardi, de la Fondation pour la mémoire de la guerre d'Algérie, du Maroc et de la Tunisie. Prévue par l'article 3 de la loi du 23 février 2005, cette institution, estiment-ils, est conçue au seul service des nostalgiques de la colonisation et du courant xénophobe d'extrême droite.
Gilles Manceron, historien et vice-président de la Ligue des droits de l'homme (LDH), a affirmé que la décision d'installer cette fondation montre que la société française est «à la croisée des chemins». Il a relevé que «d'une part, une grande partie de la population française demande que la vérité soit dite sur la nature de la colonisation et, d'autre part, une fraction de celle-ci, plus âgée, surtout implantée dans le Midi de la France, ne veut rien reconnaître ni regarder en face, et reste attachée aux dénégations et aux anciens mensonges».
Cette tranche de l'opinion est affiliée au courant d'extrême droite qui avait soutenu la mise en place de plusieurs monuments à la gloire de l'Algérie française et des tueurs de l'OAS et qui a poussé à l'adoption de la loi du 23 février 2005 qui prétendait la colonisation positive.
Légitimer les crimes coloniaux
Cet historien a déploré que la fondation en question soit contrôlée par «des institutions à la tête desquelles se trouvent des généraux qui persistent dans la justification de l'emploi de la torture par l'armée française en Algérie et dans la négation du mouvement nationaliste algérien». Il a ajouté que les tenants de cette fondation «tournent le dos» au travail conduit par de nombreux universitaires français en collaboration avec leurs collègues algériens pour une réécriture «honnête» de l'histoire.
De son côté, l'historien Olivier Le Cour Grandmaison a estimé que cette fondation confirme que «l'offensive de la majorité actuelle se poursuit sous des formes diverses et se poursuivra sans doute jusqu'en 2012» pour des raisons électoralistes. Il a souligné que la loi du 23 février 2005,
qui «sanctionnait une interprétation positive, officielle et mensongère de la colonisation française», n'a «aucun équivalent européen, sinistre exception française» et «n'est pas l'épilogue d'une offensive idéologique menée, il y a cinq ans de cela, mais bien le prologue d'un combat en réhabilitation qui n'a jamais cessé depuis».
Aux yeux de cet historien, il est essentiel que les candidats des gauches parlementaires et radicales présents au premier tour de l'élection présidentielle de 2012 «prennent clairement position pour l'abrogation de cette législation» qu'il a qualifiée de «scélérate». Henri Pouillot, militant anticolonialiste, ancien appelé de la guerre d'Algérie et auteur du livre La Villa Susini (éd. Tirésias), a jugé «inquiétante» la politique «menée par le pouvoir actuel» dans le domaine de la mémoire. M. Pouillot a brièvement retracé la trame d'une «dérive complaisante»
qui s'opère depuis 2002 au profit des «nostalgiques de l'Algérie française, qui n'ont pas changé depuis 1962». Il a aussi dénoncé que, depuis sa nomination au poste de secrétaire d'Etat aux Anciens combattants, M. Falco, également maire de Toulon, «met en œuvre une politique délibérée de réhabilitation de l'OAS et de ses soutiens encore actifs en France».
M. Pouillot a également déploré le fait que «seules des organisations dépendant de l'armée» seront présentes lors de la mise en place de la fondation et que le principal «conseiller» historique de cette institution pourrait être le général Maurice Faivre, connu pour avoir toujours contesté «l'existence de caves à la villa Susini où l'on torturait.
Il était officier pendant cette guerre d'Algérie et a été l'un des principaux artisans du Livre Blanc des officiers de cette époque. Il a aussi rédigé l'ouvrage Le renseignement dans la guerre d'Algérie. Pour M. Pouillot, «ces démarches tendent à justifier, de fait, l'utilisation de la torture. Une telle réécriture de l'histoire, en particulier de la guerre d'Algérie, comme on peut le craindre avec l'orientation de cette fondation, est effectivement inquiétante».
De nombreux chercheurs et des scientifiques ont refusé d'entrer dans son conseil scientifique, estimant qu'au lieu d'être un outil au service de la recherche historique, la Fondation risque de capter des archives privées dans des conditions difficiles à contrôler pour un travail partial sur la mémoire de la guerre d'Algérie.


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