Photo : Riad Par Faouzia Ababsa Au début de son intervention, Ahmed Ouyahia a arboré une langue de bois qu'on ne lui connaissait pas du tout. Ce qui a suscité l'étonnement de beaucoup de confrères qui ont l'habitude de suivre les «sorties» du Premier ministre (PM) et non moins secrétaire général du RND. En effet, Ahmed Ouyahia, contrairement à ses habitudes, n'est pas sorti de la lecture du discours. Ce qui ne réduit nullement l'importance de la présentation de la déclaration de politique générale qui a duré une heure. Le Premier ministre a d'abord rappelé les différentes phases traversées par l'Algérie en insistant particulièrement sur la situation sécuritaire, la décennie rouge avec tout ce qu'elle a entraîné comme drames, larmes et sang. Pour l'hôte de l'APN, les résidus du terrorisme n'ont plus de place dans notre pays. Cela ne signifie pas qu'il faille relâcher la vigilance. Le traitement de cette tragédie s'est soldé par la promulgation de textes relatifs à la concorde civile et à la charte pour la réconciliation. Lesquels ont pris en charge le volet de ceux qu'on appelle communément les victimes de la tragédie nationale, parmi eux, les terroristes repentis, les familles des terroristes abattus (qui ne sont point responsables des actes de leurs proches), les licenciés en raison de leur activité politique dans l'ex-FIS et les disparus. Toutefois, le Premier ministre n'abordera pas le cas des détenus des camps du Sud, dont on sait que beaucoup d'entre eux ont été pris à l'époque dans des rafles générales sans distinction aucune. Ainsi, selon le coordinateur de l'Exécutif, sur 13 332 «dossiers de familles éprouvées par l'implication d'un de leurs proches dans le terrorisme, seuls 57 cas sont toujours en cours de traitement. Sur les 10 400 dossiers relatifs à des licenciements, seuls 23 demeurent en phase d'apurement parmi les requérants ayant prouvé que la perte de leur emploi était liée aux événements de la tragédie nationale». Enfin, et toujours selon l'invité de l'hémicycle, sur les 6 478 dossiers des disparus, il n'en reste plus que 35 à finaliser. Ce que lui contestera certainement la chef du groupe parlementaire du Parti des travailleurs qui n'a pas la même appréciation, estimant que le dossier des disparus n'est pas encore clos. Sur un autre registre, le Premier ministre a mis en garde ceux qui «veulent introduire dans notre pays des pratiques et des discours religieux étrangers à nos traditions, ou détourner la mosquée de sa vocation unificatrice». A ceux-là, «le gouvernement opposera la rigueur de la loi», a déclaré l'orateur non sans préciser que la liberté de culte est garantie en Algérie, d'abord par la Constitution.La déclaration de politique générale du Premier ministre qui intervient en application de l'article 84 de la loi fondamentale du pays - qui n'a pas été respectée l'année dernière - a fait la part belle au volet économique. Ahmed Ouyahia a rappelé tout ce qui a été réalisé ces dernières années en matière de développement économique et d'investissements publics, mais aussi ce qui a été entrepris durant les derniers 18 mois, depuis qu'il a pris les rênes de l'Exécutif. Ce qui n'a d'ailleurs pas été du goût de Belkhadem qui a écorché son partenaire dans l'Alliance présidentielle à l'occasion d'orientations données aux deux groupes parlementaires jeudi dernier. Le secrétaire général du FLN a jugé que le Premier ministre avait complètement occulté le bilan de son règne lorsqu'il était chef de gouvernement.Ahmed Ouyahia a souligné que le taux d'investissements directs étrangers n'a pas dépassé 2,3 milliards. D'où la décision de l'Etat de ne compter que sur ses ressources à travers la prise de mesures volontaristes en faveur du redémarrage de l'économie algérienne, mais aussi en mettant le holà à la saignée des devises et des deniers publics du fait du transfert des capitaux et des scandales qui ont émaillé la scène nationale. Il fallait donc non seulement remettre de l'ordre mais aussi prendre des mesures pour la protection de l'économie et l'aide aux entreprises nationales, obligeant par là même les étrangères à se conformer aux lois algériennes. On se souvient que ces mesures avaient provoqué un véritable tollé aussi bien chez certains opérateurs nationaux, adeptes de la rente, que chez les opérateurs étrangers et même de certains gouvernements et autres représentations de l'UE. Contre lesquels justement l'Etat a renforcé les mesures de contrôle à travers des textes législatifs. Ahmed Ouyahia leur a réservé une partie de son intervention en défendant bec et ongles les mesures prises dans les deux dernières lois de finances omplémentaires. «Ces consolidations législatives ont donné lieu à de nombreux commentaires et même des critiques», relève le Premier ministre qui souligne que le gouvernement saisit justement l'occasion de sa présentation devant la chambre basse du Parlement pour clarifier les choses. Il rappellera que même si l'Algérie s'est éloignée de la voie socialiste, elle n'en a pas moins gardé ses constantes nationales que sont la justice sociale et la solidarité nationale. Et Ouyahia de s'interroger : «Dès lors, quel drame y avait-il à procéder à quelque ajustement de notre démarche d'économie de marché, lorsque ce redressement n'est pas synonyme de rupture avec l'efficacité et la compétitivité économiques ? Quel est donc ce dogme qui, au nom de la liberté d'entreprendre, devrait nous empêcher d'introduire des correctifs appropriés à la lumière des constats, des expériences et des circonstances, au moment même où la crise économique mondiale a réhabilité ailleurs le rôle économique de l'Etat et surtout remis en cause le primat de la libre spéculation sur l'économie productive ?» Le Premier ministre, toujours en direction des détracteurs des deux dernières lois de finances complémentaires, a rappelé que l'Algérie a permis de larges libertés aux investisseurs étrangers pour rompre l'embargo international auquel elle était injustement soumise. Ce n'est pas pour autant qu'elle ne «serait plus en droit aujourd'hui de reprendre, par exemple, la majorité dans les investissements extérieurs chez elle, alors que ce même principe prévaut dans d'attrayantes destinations de l'investissement étranger, au Moyen-Orient ou en Asie». Les clarifications apportées, le Premier ministre a précisé qu'elles n'avaient pas pour but d'entrer dans la moindre polémique. Elles étaient toutefois nécessaires parce que «le gouvernement considère que le développement économique national a besoin d'une union nationale. Nulle entreprise locale ne sera prospère si l'économie nationale n'est pas solide». Et d'ajouter non sans une certaine allusion au patronat algérien, notamment au FCE qui avait dans un premier temps critiqué les deux LFC avant de se rétracter : «Que ceux qui l'auraient oublié se rappellent quelle était la situation de chacun, lorsque l'Algérie était en faillite financière et soumise à l'ajustement structurel !» Un Plan d'ajustement structurel dont les effets et séquelles continuent à être ressentis par nombre d'Algériens, notamment les travailleurs.