Deux jours après le premier tour d'une présidentielle jugée décisive, la Côte d'Ivoire attend le verdict. La quasi-absence de résultats laissait le champ libre aux rumeurs et autres supputations de toutes sortes. Les informations les plus contradictoires sur l'issue du vote embrouillent davantage une situation déjà précaire. La Commission électorale indépendante (CEI), l'organisme chargé de proclamer les résultats, se caractérise par une hésitation incompréhensible pour certains medias. «La CEI traîne encore le pas, loin derrière les rumeurs», titrait hier le quotidien Nord-Sud, journal réputé proche du Premier ministre Guillaume Soro, chef de l'ex-rébellion des Forces nouvelles (FN) qui tient le Nord depuis le putsch raté de 2002. «La CEI balbutie, la fièvre monte», lance Soir-Info, le journal indépendant. Depuis la clôture, dimanche soir, du vote considéré comme historique dans un pays complexe, les rumeurs les plus diverses n'ont cessé d'enfler dans la classe politique, mais aussi dans la rue. Le scrutin était censé clore une décennie de crise politico-militaire. A Abidjan, où la crainte de violences en cas de contestation des résultats est largement répandue, l'heure est à l'expectative sur fond d'inquiétudes. Pour l'heure, les trois présidentiables sur les quatorze candidats (le président sortant Laurent Gbagbo, l'ex-chef d'Etat Henri Konan Bédié et l'ancien Premier ministre Alassane Ouattara) évitent de s'exprimer publiquement. Cependant, chaque camp laisse filtrer les «conclusions» de ses propres comptages, en l'absence de données officielles, compliquant une opération où le doute est périlleux pour la stabilité du pays. Le président de la CEI, Youssouf Bakayoko lance un appel à ne pas croire aux chiffres sortis çà et là. Dans les milieux politiques et diplomatiques, l'hypothèse d'un duel Gbagbo-Ouattara au second tour semble faire son chemin. Pour certains analystes, il faut que la CEI se décide au risque de perdre sa crédibilité. La «versatilité» de la CEI nourrit allégrement l'incertitude. Après avoir promis des annonces dans la nuit de lundi à hier, l'organisme indépendant s'est finalement ravisé. De quoi alimenter les suspicions avec leur lot de risques de dérapage. Alors que le représentant des Nations unies en Côte d'Ivoire, Youn-jin Choi, rencontre les trois rivaux, Youssouf Bakayoko tente de calmer les esprits en rappelant que la loi donnait jusqu'à aujourd'hui, (mercredi), à sa structure pour proclamer les résultats. La CEI n'avait donné jusque-là que les résultats d'une infime partie du corps électoral. Ce dernier, au nombre de 5,7 millions d'inscrits, s'est mobilisé d'une manière exceptionnelle (environ 80% de participation, selon la CEI). Les Ivoiriens ont démontré une réelle volonté de sortir de l'impasse par leur mobilisation lors du scrutin. Aujourd'hui, ils attendent le verdict des urnes. M. B.