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Les marchés informels reviennent
Assainis sur une décision des autorités publiques
Publié dans La Tribune le 22 - 12 - 2010

Quel sens donner à des mesures gouvernementales visant la régulation des prix quand les marchés informels représentent le créneau qui prolifère le plus ? Comment peut-on expliquer que le pain se vende sur le trottoir en face d'une boulangerie qui a opté pour le mode hors service ? Tant de questions que se posent des millions d'Algériens sans qu'une réponse fiable ne leur soit livrée par les gouvernants. Une opération d'élimination des marchés informels a été ainsi lancée au milieu de l'année notamment dans les quartiers les plus populaires de la capitale. Avec l'apport de la force publique, plusieurs marchés informels ont été rasés, prenant parfois des allures de guerre entre les vendeurs des lieux et les agents de sécurité. Tout le monde a cru à la fin de ces espaces. Le démenti a été vite annoncé : des marchés informels sont de retour. Une situation qui remet en cause toutes les mesures prises par la tutelle. Le retour des marchés informels érodera ainsi davantage la bourse du citoyen lambda obligé de faire face à une perpétuelle flambée des prix. A cette situation préoccupante, les autorités lui opposent le discours. Elles annoncent de manière récurrente des mesures de coercition et de contrôle. La promesse est dès lors faite de maîtriser le marché aussi bien en matière de prix qu'en termes d'hygiène. Le ministère du Commerce tend chaque année à hausser le ton sans pour autant pouvoir concrétiser sur le terrain la neutralisation d'une hausse vertigineuse des prix, qui manifestement étouffe toutes les mesures. Opérant loin de tout contrôle, les commerçants
passent aisément à une hausse des prix des fruits et légumes. Surpris par cette flambée injustifiée, les consommateurs se
trouvent obligés de subir la loi des vendeurs. L'Exécutif, de l'autre côté, n'avait pas trouvé mieux que d'investir le ministère du
Commerce de la mission de contrôler et d'intervenir pour fixer les prix et les marges bénéficiaires pour «toutes les marchandises et les produits industriels et agricoles, les produits importés, y compris les prix de l'huile et du sucre, ainsi qu'un certain nombre de services,
afin qu'ils soient plafonnés et à l'abri de la spéculation». Un décret expliquait, dans le même esprit, que des dispositions exceptionnelles peuvent être prises pour en fixer les prix et les marges bénéficiaires, notamment en cas de hausse importante en raison de tensions sur le marché, ou en cas de crises ou de difficultés chroniques dans l'approvisionnement dans un secteur d'activité, ou dans une région géographique, ou en cas de monopole, lorsqu'une entreprise s'adjuge une activité ou se spécialise dans une
marchandise ou un produit donné. La réalité des marchés contraste manifestement avec les intentions des officiels. Les pères et mères de famille appréhendent de se rendre au marché vu les tarifs des différents produits alimentaires, particulièrement ceux de large consommation. La cherté des produits est visiblement la hantise des citoyens. Ils ne cessent de demander auprès des vendeurs combien coûte tel ou tel légume. Et dès que le vendeur leur annonce le prix, les consommateurs se montrent étonnés. Au marché de Belouizdad, le consommateur vit au ralenti, contrairement aux prix des fruits et légumes qui évoluent à un rythme effréné durant la même journée. La mercuriale semble ainsi affaiblir le volume des achats. «Combien coûtent les haricots ?» demande timidement une vieille femme au jeune vendeur qui n'arrive plus à répondre aux questions des acheteurs. «90 DA, madame», lui répond-il. La cliente ne bronche pas. Elle juge le prix excessif. Arrive un quinquagénaire en quête de courgette. «70 dinars le kilo», lui signifie le vendeur. Après quelques minutes de réflexion, il en demande un kilo pour ne pas rentrer bredouille. La hausse des prix a visiblement poussé les consommateurs à mieux contrôler leurs achats même si, parfois, ils sont tenus de se passer de l'essentiel. «Il n'y a que le prix de l'oignon qui est abordable, sinon le reste est excessivement cher», annonce une vieille à sa petite-fille. Chez le boucher du coin, c'est la véritable ruée. Le propriétaire vient d'engager de nouveaux employés pour répondre à la demande de la clientèle. Un passant n'hésite pas à souligner le changement opéré sur le prix de la viande fraîche. Au marché dit Clauzel, au cœur d'Alger, le constat est similaire avec cependant une touche d'insalubrité des lieux. Avec une benne de décharge placée juste à l'entrée du marché, le consommateur est exposé à tous les dangers. A quelques mètres de cette benne-poubelle, un policier est intervenu auprès d'un livreur de viande sans la moindre mesure d'hygiène mais sans aller au bout de son devoir de protéger le citoyen. Il s'est contenté de dire au vendeur que «sa marchandise devait être saisie». Sans suite. La vente des boissons renseigne aussi sur la caducité des mesures prises par le gouvernement. Dans ce secteur, il n'est pas difficile de croire que «tous les moyens sont bons pour proposer un sachet de jus» dont la fabrication demeure la grande inconnue. La pratique tend à se banaliser au vu des services d'hygiène alors qu'elle constitue un véritable danger pour les insouciants acheteurs. «Si les autorités persistent à laisser le climat actuel dans le flou, les producteurs agréés prédisent un avenir sombre pour la filière», ne cessent d'avertir des producteurs. Le constat établi est alarmant. «L'activité cache un véritable maquis qui échappe à tout contrôle. La filière est prisonnière de son environnement direct : informel, contrefaçon et concurrence déloyale», notait récemment un producteur. Des chiffres ont ainsi été révélés pour illustrer l'ampleur prise par la contrefaçon dans ce domaine. Sur les 1 627 producteurs de boissons implantés à travers le territoire national et recensés par le Centre national du registre du commerce, seulement 500 à 600 sont réellement de véritables producteurs. «Le marché pullule désormais de zones de contrefaçon. Un travail illégal qui se traduit par l'utilisation de bouteilles de marques connues et de breuvages douteux», remarquera le propriétaire d'une limonaderie. De telles opérations ne sont pas sans générer une déréglementation des lois du marché. Car un produit né d'une contrefaçon engendrera inéluctablement une baisse du prix. Cette dernière n'est pas le fruit d'une quelconque compétitivité, mais elle est plutôt la résultante d'un produit illégalement fabriqué et frauduleusement mis sur le marché. Une fois contrefaits, des produits gagnent leur place sur le marché et ce dernier perd forcément toute règle de tarification.
A. Y.


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