De notre correspondant à Constantine A. Lemili Rares sont les Constantinois à avoir une idée précise ou une connaissance même sommaire de la fête de Yennayer. Arbitrairement, mais tout autant involontairement, la majorité des habitants de la ville des Ponts imaginent qu'il ne s'agit que d'un évènement, à la limite païen, commémoré uniquement par les Kabyles. Faisant ainsi abstraction des Chaouis, Mozabites et, plus grave, connotant gravement et donnant d'autorité une insidieuse définition à une fête importante aux yeux de l'ensemble de ces populations. La Direction de la culture de la wilaya par l'intermédiaire de son responsable, D. Foughali, a tenté un débroussaillage de la question au cours de janvier de l'année dernière par une conférence. Ce qui n'est pas suffisant, diraient ceux qui sont intéressés au premier chef par cette date anniversaire, mais il faudrait tout de même souligner que le directeur de la culture était fraîchement installé et il lui était vraisemblablement difficile de bousculer l'attitude très conservatrice de la ville de Constantine parce qu'elle était «badissia» (du nom de l'ouléma Ibn Badis).Or, c'est en citant l'homme religieux évoqué que D. Foughali remet la question dans son contexte en rappelant que, pour Ibn Badis, «les Algériens étaient amazighs et l'arabe leur langue commune». Joignant l'acte à la parole, la Direction de la culture a décidé de donner un grand coup en organisant sur trois journées, à partir d'aujourd'hui, des festivités multiples et thématiquement variées avec au programme des troupes venant d'endroits différents des Aurès, de Kabylie, mais également une série de conférences, une exposition d'objets réalisés manuellement et dans la pure tradition des Amazighs. Ce qui attirera sans doute l'attention des visiteurs qui se rendront au palais de la Culture et la maison du même nom. Le tapis de Khenchela sera certainement très prisé d'autant plus que la wilaya évoquée réalise actuellement un musée spécialement consacré au tapis de la région. Dans le hall du palais de la culture Malek-Haddad, l'opportunité a mis sur notre chemin M. Tarek, un confrère travaillant en free lance, défenseur acharné de l'amazighité et présent dans toutes les manifestations qui, de près ou de loin, s'intéressent à la culture sans distinction. Il évoquera pour nous la perception de Yennayer dans sa famille, soulignant que «ce que vient d'entreprendre la Direction de la culture honore l'institution et surtout débarrasse de faux attributs collés à une fête comme une autre et sans doute plus importante que bien d'autres, en raison de la charge mémorielle qu'elle véhicule». «Jusque-là, nous le fêtions en famille, ce qui n'était pas rien en ce sens qu'il s'agit d'un acte convivial qui raffermissait encore mieux les liens parentaux séculaires. Et même à distance, il créait une sorte de communion avec tous ceux qui, au même moment, fêtaient l'événement», enchaînera-t-il.Tarek nous donnera dans le détail l'explication historique de Yennayer comme il évoquera pour nous ce que seront, à compter d'aujourd'hui, les trois jours commémoratifs, se réjouissant presque que les pouvoirs publics daignent enfin accorder sa place à une manifestation jusque-là ostracisée officiellement et qui est pourtant une étape de l'histoire nationale de l'Algérie, de l'aube de la création de la Numidie à nos jours.C'est un peu et surtout pour cela qu'il faut rendre hommage à l'engagement de D. Foughali, le directeur de la culture, de traverser le magasin de porcelaine tel un éléphant et, ce faisant, de mettre à terre bien des tabous, des interdits qui n'existaient et persistaient à n'exister que dans la tête de ceux qui n'ont jamais rien compris.Il appartient aux Constantinois d'être présents du 11 au 13 aux palais de la culture Malek-Haddad et Mohamed-Laïd-Khalifa, ne serait-ce que pour voir la richesse de la culture des populations évoquées.