Synthèse de Reda Cadi Les édulcorants chimiques, dont l'aspartame, seraient cancérigènes et pourraient provoquer des naissances prématurées. C'est le constat de deux études scientifiques publiées à quelques mois d'intervalle dont les scientifiques du Réseau environnement santé (RES) se font l'écho.La première étude a été menée par le chercheur danois Thorhallur Halldorsson sur 59 334 Danoises enceintes et fait ressortir un lien entre la consommation de boissons à base d'édulcorants et le risque d'accouchement prématuré. Parue fin 2010 dans l'American Journal of clinical nutrition, cette étude fait valoir que la consommation d'au moins une boisson gazeuse contenant un édulcorant augmente en moyenne de 38% les risques de naissance avant terme. L'augmentation des risques est de 27% si l'on n'en boit qu'une par jour, 35% si l'on en boit 2 ou 3, 78% quand c'est plus de 4. L'impact est moindre avec les boissons non gazeuses, l'augmentation du risque étant de 11%. Il est vrai qu'elles comportent, selon les chercheurs, 2 à 3 fois moins des deux édulcorants principaux (aspartame et acesulfame-K) que les boissons gazeuses, mais elles sont plus riches en cyclamate et saccharine. La deuxième étude a été menée par le chercheur italien Morando Soffritti du Centre de recherche sur le cancer Ramazzini de Bologne, dont les travaux ont été critiqués à plusieurs reprises pour vices méthodologiques. Mais le centre revient à la charge, soulignant les effets cancérigènes de l'aspartame, uniquement chez la souris et le rat. L'expérience a consisté à faire ingérer de l'aspartame à des rates et des souris gravides, pour étudier ses effets sur leur descendance. Ils auraient ainsi mis en lumière un effet dose-dépendant de l'aspartame sur l'incidence des cancers du foie et du poumon chez les rejetons de ces animaux… à l'exception des souris femelles. Ces résultats aujourd'hui non expliqués par les auteurs doivent être considérés avec prudence. Publiée il y a quatre mois dans l'American Journal of industrial medicine, l'étude de Morando Soffritti corrobore deux études antérieures sur les impacts de l'aspartame chez les rats. Publiée en 2007, la dernière étude du Centre Ramazzini sur ce sujet controversé annonçait une augmentation de l'incidence des leucémies, des lymphomes et des cancers mammaires chez 240 souris mâles après exposition in utero à l'aspartame. L'étude italienne démontre que l'aspartame élève les risques de cancers du foie et du poumon chez les mâles. En revanche, ces risques n'apparaissent pas augmentés chez les femelles. L'Association internationale des édulcorants (ISA/AIE) n'a évidement pas tardé à réagir en contestant «la validité scientifique de ces deux études et rappelle que l'aspartame constitue l'un des produits alimentaires les mieux étudiés dans le monde». De son côté, l'Agence européenne de Sécurité (EFSA), qui est compétente dans l'évaluation pour les pays européens des additifs alimentaires, a contesté la méthodologie des études antérieures conduites par le Dr Soffritti, et a estimé que rien n'indiquait «un quelconque potentiel génotoxique ou carcinogène» de l'aspartame après exposition in utero. Elle avait donc maintenu à 40 mg/kg poids, la dose journalière admissible (DJA) d'aspartame. Celle-ci pourrait évoluer en fonction des prochaines analyses de l'EFSA. Pour le RES, ces critiques ne sont «pas fondées». «Est-ce qu'on attend que les études sur les rongeurs soient vérifiées chez l'homme ?» demande André Cicolella, son président.