Comme il fallait s'y attendre, les Etats-Unis ont brandi le fameux droit de veto contre un projet de résolution présenté par le Groupe arabe auprès de l'Organisation des Nations unies. Condamner la colonisation israélienne dans les territoires occupés est une extrémité que l'administration Obama n'ose pas franchir. L'attitude de la première puissance du monde, loin d'étonner, a surtout révélé le manque de sérieux dans son désir pourtant affiché de parvenir à un règlement du conflit proche-oriental sur la base de la solution de deux Etats. Susan Rice, la représentante américaine aux Nations unies, paraissait bien seule en levant la main pour s'opposer à la résolution, face aux 14 Etats. Même les alliés britannique et français n'ont pas suivi la position obtuse de Washington. Les délégués français et britanniques n'ont pas hésité à considérer la colonisation comme un acte illégal entravant la paix dans la région et, de ce fait, entretenant une tension permanente. La posture américaine met l'accent sur le fossé grandissant entre les Etats-Unis et leurs alliés européens. En particulier en ce qui concerne les questions du Moyen-Orient et ce, au moment où les régimes arabes sont ébranlés par les contestations populaires. Les menaces américaines à l'endroit de l'Autorité palestinienne et de son président de stopper l'aide financière n'ont pas porté leurs fruits. Le déficit de confiance est désormais total dans l'administration américaine. La Maison-Blanche montre toujours une loyauté absolue envers Israël au-delà même des intérêts des Etats-Unis. Au moment où les révolutions dans la région grondent et que la colère populaire balaye les régimes loyaux, la position américaine parait délicate. Le président égyptien Hosni Moubarak n'est plus là pour tancer les Palestiniens, les enjoignant de «jouer le jeu» et de ne pas s'exposer à la «colère de l'Amérique».Comme d'habitude, le président de l'Autorité palestinienne a reçu dans son bureau à Ramallah un appel d'Obama qui a duré cinquante minutes. Dans la rue, les Palestiniens manifestaient contre l'administration Obama. Les contestataires brandissaient des banderoles dénonçant «l'arrogance» de Washington et proclamant la détermination des Palestiniens à ne pas reprendre les «négociations de paix» avec Israël tant que la colonisation se poursuivrait. Des slogans contre Barack Obama étaient scandés, le qualifiant d'«homme méprisable». «Le veto américain est un acte contre le peuple palestinien et sa liberté. Il soutient l'injustice, l'oppression et l'occupation israéliennes.» L'attitude américaine a démontré plus que tous les discours «la fausse affirmation que les Etats-Unis sont le pays de la liberté puisqu'ils annoncent officiellement leur soutien à l'occupation et aux colonies, à l'oppression et à l'injustice contre notre peuple». Même le très technocrate Premier ministre palestinien Salam Fayyadh a accusé Washington d'exercer un «chantage» sur les Palestiniens. Les Etats-Unis ont explicitement menacé de couper leur aide si l'Autorité allait de l'avant et continuait à soutenir la résolution anti-colonisation. Dans une conjoncture particulière, l'embarras des Etats-Unis n'en sera que décuplé. Fatah-Hamas, dialogue inéluctable Alors que le monde arabe est dans une dynamique certaine, les mouvements palestiniens sont condamnés à s'entendre pour défendre judicieusement leur cause. Dans cette optique, le Fatah, le parti du toujours président de l'Autorité palestinienne Mahmoud Abbas, s'est dit prêt à reprendre les discussions avec ses rivaux du Hamas. Une réconciliation des deux principaux mouvements palestiniens semble un passage obligé. Plusieurs manifestations ont été récemment organisées en faveur de «l'unité nationale» des différents mouvements palestiniens. L'Egypte de Moubarak avait mené depuis plus d'un an une médiation entre les deux mouvements. Un «accord de réconciliation» avait même été signé en octobre 2009 par le Fatah. Un accord que le Hamas s'est refusé jusqu'ici à accepter en raison de profondes divergences. Les Egyptiens ont toujours regardé le Hamas avec suspicion, lui reprochant d'exécuter un «agenda iranien». Depuis la chute historique du raïs, le discours semble avoir évolué. Le porte-parole du Fatah exhorte la direction du Hamas à mettre en œuvre les clauses de cet accord sous la supervision de la Ligue arabe. Cependant, pour le Hamas, le départ du président égyptien signifiait de facto la caducité de l'accord de 2009. Les appels à la reprise du dialogue interviennent au moment où l'Autorité palestinienne annonce un scrutin municipal le 9 juillet prochain. Et surtout des élections générales d'ici septembre. Le Hamas, qui ne reconnaît plus Abbas puisque son mandat a expiré, a pour le moment refusé de prendre part à ces élections. Le veto américain au Conseil de sécurité de l'ONU à une résolution réclamant une condamnation de la colonisation israélien donne un coup supplémentaire à la crédibilité déjà entamée de Mahmoud Abbas. La réconciliation du Fatah et du Hamas sera incontestablement le test le plus sérieux pour les Palestiniens dans les prochains jours. L'union des forces internes donnera du poids à une autorité moribonde. La réponse palestinienne au chantage des Etats-Unis serait d'aller de l'avant dans le défi, et de porter la question de la colonisation israélienne et de l'occupation le plus loin possible. L'attitude nouvelle signifiera le retour du peuple palestinien après une absence qui n'a que trop duré. Avec la résistance comme arme infaillible. Dans un climat de bouleversement majeur dans le monde arabe et avec la chute des dictateurs «alliés» de l'Amérique, la question palestinienne recouvrera inévitablement sa centralité. M. B.