Synthèse de Samira Imadalou C'est connu, elles sont fort nombreuses les familles africaines à dépendre des transferts réguliers effectués par leurs parents ayant émigré dans les pays européens. Des sommes d'argent importantes sont annuellement transférées vers ces pays de la part des quelque 30 millions d'Africains vivant aujourd'hui à l'étranger.Le niveau des envois de fonds déclarés vers les pays d'Afrique a d'ailleurs quadruplé entre 1990 et 2010 pour s'établir en 2010 à près de 40 milliards de dollars dont plus de 2 milliards ont été transférés par des Algériens. Les principaux pays de destination sont la France (9% du nombre total d'émigrés), la Côte d'Ivoire (8%), l'Afrique du Sud (6%), l'Arabie saoudite (5%), les Etats-Unis et le Royaume-Uni (4% chacun). Aussi, toujours selon les données de l'institution de Bretton Woods, les envois de fonds déclarés vers les pays en développement, après s'être redressés en 2010, continueront d'augmenter en 2011 et 2012. Mais les chiffres officiels concernant ces envois sont nettement en deçà de la réalité. Et pour cause, l'existence de circuits informels d'envois d'argent fait qu'il est impossible pour bon nombre de gouvernements africains de quantifier ces envois qui ne figurent pas dans les statistiques officielles de la balance des paiements.Aussi, le fait que le coût de ces envois de fonds reste prohibitif encourage le recours à des circuits informels. D'ailleurs, la moitié seulement environ des pays de l'Afrique subsaharienne assurent de manière un tant soit peu régulière la collecte et la publication de données dans ce domaine qui constitue, en effet, une ressource importante pour la plupart de ces pays. Cependant, les avantages économiques de ce phénomène de migration ne sont pas exploités. C'est ce qui ressort globalement d'un rapport publié le 30 mars dernier conjointement par la Banque mondiale et la Banque africaine de développement (BAD). Intitulé «Démultiplier l'impact des migrations pour l'Afrique : envois de fonds, renforcement des compétences et investissements», le nouveau rapport met en exergue des éléments sur la gestion de ces montants transférés. Le rapport qui présente les données tirées d'une nouvelle série d'enquêtes comporte des éléments montrant que migration et envoi de fonds se traduisent par une baisse du niveau de pauvreté dans les communautés d'origine. Ainsi, pour les pays du continent, les envois effectués par leurs expatriés aboutissent à un surcroît d'investissements en matière de santé, d'éducation et de logement, et leurs diasporas sont également source de capitaux, d'échanges commerciaux ou de savoir, et de transferts de technologies. Mais il reste beaucoup à faire pour améliorer la gestion de ces transferts et en tirer les bénéfices, et ce, d'autant que «les pressions en matière de migration ne vont qu'augmenter à l'avenir du fait des mutations démographiques correspondant à l'accroissement de populations en Afrique et au déclin de la population active en Europe et dans beaucoup d'autres pays développés». C'est du moins le constat que dresse Hans Timmer, directeur du Groupe des perspectives de développement à la Banque mondiale. C'est pourquoi, dira-t-il, «il est essentiel d'adapter les mesures prises au niveau des politiques en réponse à ces facteurs démographiques, et de concevoir des arrangements multilatéraux pour gérer les migrations futures». Car, selon les prévisions des experts, deux tiers des migrants de l'Afrique subsaharienne, notamment les plus pauvres, vont s'établir dans d'autres pays du continent, alors que, dans le cas des émigrés d'Afrique du Nord, plus de 90% sont allés s'installer sur un autre continent. L'économiste en chef de la Banque mondiale pour la région Afrique, Shantayanan Devarajan, a expliqué à ce sujet : «Le niveau de migration de main-d'œuvre qualifiée est particulièrement élevé dans les pays d'Afrique de petite taille et à faible revenu, qui ont déjà de faibles niveaux de capital humain. Les pays fragiles et sortant d'un conflit connaissent des problèmes encore plus grands du fait de cette fuite de capital humain.» Les bons de la diaspora, une solution ? Face à cette situation et à l'augmentation des risques de fuite de cerveaux, l'expert recommande l'accroissement des niveaux d'instruction et de compétences. De même que l'établissement d'un environnement propice à l'amélioration des qualifications des travailleurs sur place. Et ce, de manière à augmenter les possibilités d'emplois productifs. Les autres volets à prendre en charge, de l'avis des rédacteurs dudit rapport, concernent, entre autres, le renforcement des liens entre diasporas et pays d'origine, la protection des migrants et l'accroissement de la concurrence sur les marchés des envois de fonds. Dans le cas contraire, «le potentiel qu'offrent les migrations pour l'Afrique reste en grande partie inexploité», avertissent les experts de la BM, pour lesquels il y a lieu de recourir à un outil novateur, à savoir les bons de la diaspora. Il s'agit en termes plus clairs de titres mis en vente par des entités publiques ou privées auprès de nationaux établis à l'étranger. Les pays de l'Afrique subsaharienne pourraient mobiliser par ce biais des montants de l'ordre de 5 à 10 milliards de dollars par an. Plusieurs Etats africains ont d'importantes diasporas dans des pays à revenu élevé et sont donc potentiellement à même d'émettre des bons de ce type. Mais, ce n'est pas le cas de l'Algérie, à en croire les données de la BM. Car l'Algérie ne figure pas sur la liste de ces pays, qui contient l'Ethiopie, le Ghana, le Kenya, le Liberia, le Nigeria, l'Ouganda, le Sénégal et la Zambie, en Afrique subsaharienne ainsi que l'Egypte, le Maroc et la Tunisie, en Afrique du Nord.