L'espoir et l'enthousiasme suscités par le discours destiné au monde arabo-musulman de Barack Obama, lors duquel ce dernier avait proposé la création d'un Etat palestinien basé sur les frontières de 1967, sont vite «retombés». Le président américain, à l'instar de ses prédécesseurs, face à l'indignation des autorités israéliennes et du puissant lobby sioniste, qui ont vivement protesté suite à ses déclarations, a fini par «rétropédaler» sur cette question qui semblait pourtant lui tenir à cœur. Cette «reculade» a, d'ailleurs, été pathétiquement illustrée par son discours plein de «retenue», voire d'excuses, devant le principal représentant du lobby juif aux Etats-Unis, l'American Israël Public Affairs Committ (Aipac). Le président américain a déclaré dans le cadre du congrès de l'Aipac que «les frontières de l'éventuel Etat palestinien ne coïncideraient pas totalement avec la ‘‘Ligne verte'' et qu'elles tiendraient compte des changements survenus depuis 1967, y compris sur le plan démographique». L'approche de l'échéance électorale suprême aux Etats-Unis, à savoir l'élection présidentielle qui aura lieu fin 2012, et les compromis, voire les compromissions qu'elles imposent à tout candidat désirant être élu ou réélu – ce qui est le cas de Barack Obama – est certainement la principale raison d'une énième soumission d'un président américain aux desiderata du lobby juif, notamment concernant le conflit israélo-palestinien. L'impuissance «régalienne» américaine Il ne s'agit pas là de tenir un discours antisioniste primaire, ou encore moins antisémite, mais de regarder la réalité des rapports de force politique aux Etats-Unis, sans tomber dans la caricature ou la dictature de la paranoïa. Le système financier (Wall Street) qui est, dans la hiérarchie des pouvoirs, supérieur au pouvoir politique aux Etats-Unis, pays où la puissance publique a un rôle plutôt modéré pour ne pas dire réduit, impose à tout candidat américain d'envergure d'avoir le soutien des principaux représentants de la sphère économico-financière. Pour ce faire, il faut donner un certain nombre de gages «programmatiques» qu'on pourrait juger «habituellement nord-américains» : une orientation économique incarnée par le rejet de l'interventionnisme étatique, le refus de mettre en vigueur une réglementation financière trop contraignante, afficher une appétence pour le libéralisme politique très en «vogue» à New York dont les élites mondialisées aiment «jouir sans entraves», etc. Mais le principal gage qu'il faut donner pour être «sponsorisé» électoralement par les faiseurs de roi de Wall Street est le soutien inconditionnel à l'Etat d'Israël ; ce soutien doit s'exprimer de manière ostentatoire aux représentants de la communauté juive de New York et de Floride, notamment. Cette «nécessité» électorale a été parfaitement assimilée par Barack Obama lors de sa campagne victorieuse en 2008, même si ce fin politicien a su également, de par son talent oratoire et surtout par ses origines ethniques, séduire le monde arabo-musulman, qui a démontré à cette occasion qu'il aspirait à l'équité et au respect, l'antiaméricanisme n'étant pas l'alpha et l'oméga de son système de valeur, comme certains médias américains, «friands» d'islamophobie, tentent de le faire croire bien trop souvent.La domination sioniste aux Etats-Unis ne se limite pas à la sphère économique et financière, elle touche également le monde des médias, les principales chaînes de télévision et journaux de la presse écrite étant détenus ou dirigés par des citoyens américains d'origine juive. Encore une fois, il ne s'agit pas de tenir un discours raciste ou «ethniciste» mais de constater des faits ; si d'ailleurs ces personnes occupent des postes à si haute responsabilité, c'est certainement grâce à leur compétence et leur talent, les Etats-Unis étant le pays le plus méritocratique au monde. Mais une concentration du pouvoir économique et médiatique aux mains d'une communauté qui partage la même religion et la même idéologie permet aisément l'orientation des décisions politiques de n'importe quel dirigeant ; ce qui biaise de facto l'action diplomatique de tout président américain, quelles que soient ses bonnes intentions et sa sincérité. Cette culture «lobbyiste» altère en effet, selon de nombreux politologues, le fonctionnement démocratique de la première puissance économique mondiale.La pierre angulaire du pouvoir d'influence sioniste sur les administrations américaines est le rapport irrationnel à Israël ; cette «mainmise» idéologique a obligé, ces dernières décennies, les différents présidents américains à accepter les pires atrocités commises par le gouvernement sioniste ainsi que l'amplification du processus de colonisation des terres palestiniennes.Pour les «amateurs» de symboles, le discours prononcé par Benyamin Netanyahu devant le Congrès américain est l'incarnation de cet assujettissement des Etats-Unis à Israël. Effectivement, le Premier ministre israélien a humilié le président américain devant sa propre représentation nationale, le contredisant point par point sur ses prises de position par rapport à la résolution du conflit israélo-palestinien. Une véritable déclaration de guerre au monde arabo-musulman, en somme. Il faut d'ailleurs rappeler à cet effet que Netanyahu a été applaudi «comme un seul homme» par les élus américains, toutes tendances politiques confondues.Par conséquent, et contrairement aux idées reçues, les Etats-Unis ne pourront pas, du moins dans un avenir immédiat, inciter les autorités israéliennes à mener le processus de paix engagé à leur terme. Le peuple palestinien doit-il donc se tourner vers ses «frères arabes» ? Le fatalisme des dirigeants arabes «L'humiliation» subie lors de la guerre des Six-Jours ainsi que la soumission des régimes arabes à la puissance américaine ont indéniablement fait balancer le rapport de force «civilisationnel» du côté occidental. La souffrance que subissent les Palestiniens est, en quelque sorte, l'illustration d'une défaite économique, technologique, culturelle et philosophique du monde arabo-musulman qui, face à la violence sioniste, ne peut qu'opposer des «mots» et des postures politiciennes, sans prise directe sur les évènements et sans stratégie cohérente pour aider les Palestiniens à conquérir leur indépendance. Cette impuissance des régimes arabes est également incarnée par les dirigeants du Fatah, gangrenés par la corruption et qui donnent l'impression d'avoir abandonné un combat essentiel, bien évidemment pour la survie de l'idée «Palestine» mais aussi pour l'équilibre géopolitique du monde. Le Hamas, quant à lui, a choisi la voie du «yaka faucon» et du déni de réalité. Ses dirigeants n'ont jusqu'à présent, et à aucun moment, proposé une alternative politique crédible au peuple palestinien, le discours de ce parti se limitant à une pensée «islamisto-populiste» sans âme et sans aspérités, incapable de mobiliser sur le long cours le peuple palestinien autour des idées de liberté et d'indépendance. Ces dernières ne pouvant pas être obtenues par des interventions étrangères, l'avènement d'une force politique nouvelle en Palestine semble donc être nécessaire. S. H.