Tous les regards seront braqués aujourd'hui en direction de la capitale égyptienne où Barack Obama prononcera un discours, particulièrement attendu, destiné au «monde musulman».Si les stratèges des chancelleries, les hommes politiques, les analystes, les observateurs et les journalistes en charge des dossiers du Proche-Orient, de l'Irak, de l'Iran… seront, profession oblige, à l'écoute du président américain, les Palestiniens, les Irakiens, les Israéliens ne seront pas en reste. Ils accorderont une attention toute particulière aux déclarations du chef de l'Etat US, car ils savent que, pour une large part, leur présent comme leur devenir sont étroitement liés à la politique que développent et que développeront les Etats-Unis dans leur région, théâtre de nombreux conflits armés ou le droit n'a jamais été autant bafoué. Depuis l'annonce de ce discours, les uns et les autres ont donné libre cours à une multitude de spéculations attribuant à Obama toutes les bonnes intentions du monde, dont celle de rétablir la paix et de veiller au respect des droits de toutes les parties, conformément à la légalité internationale. En lui attribuant ces louables objectifs, les auteurs de ces «projections sur l'avenir» oublient un peu trop vite que le patron de la première puissance mondiale n'est guidé avant tout que par la préservation et la consolidation des intérêts de son pays, quelles que soient les circonstances. Auprès des pays arabes et musulmans, dont le pétrole et le gaz ne sont pas les moindres richesses, il aura certes à restaurer l'image des Etats-Unis lourdement ternie durant les années Bush. De longues années caractérisées, entre autres, par une sale guerre en Irak et en Afghanistan, une tension au couteau avec l'Iran sur fond de contentieux nucléaire, un soutien inconditionnel à Israël et un total mépris affiché face aux légitimes revendications des Palestiniens pour recouvrer leurs droits historiques et créer un Etat libre et indépendant de toute forme de tutelle. La tâche paraît bien délicate tant la «blessure» provoquée par son prédécesseur demeure encore profonde. Les souvenirs de traitements inhumains au centre de détention de Guantanamo, à la prison Abou Ghraib à Baghdad, l'officialisation des actes de torture sous le couvert de la CIA et le peu reluisant traitement réservé à l'Islam… sont toujours vivaces et s'ajoutent aux causes dominantes ayant engendré la détérioration des relations Etats-Unis - monde musulman. Dans ce contexte, il a indiqué vouloir délivrer lors de son discours «un message» explicitant la volonté de son pays «à changer pour le meilleur ses relations avec le monde musulman». L'acte fondateur pouvant soutenir cette nouvelle approche passe cependant par «la reconnaissance, le soutien et l'application» des droits palestiniens, relèvent les observateurs. En la matière, Obama semble avoir donné le ton au terme de l'audience qu'il a accordée récemment à Washington au Premier ministre israélien, Benyamin Netanyahu. Le locataire de la Maison-Blanche avait alors clairement signifié à son invité la nécessité de se conformer au processus de paix au Proche-Orient, énoncé par la feuille de route et qui impose l'arrêt de la politique israélienne de colonisation des territoires palestiniens. Il a également soutenu que «la croissance naturelle» si chère aux dirigeants israéliens pour justifier l'occupation illégale à l'intérieur des colonies devait cesser. Le président américain a de plus maintenu la pression sur le cabinet Netanyahu en affirmant croire «fermement à une solution à deux Etats, la Palestine et Israël». Cette approche a été en outre renforcée lors de la rencontre, quelques jours plus tard dans la capitale fédérale, entre Obama et le président de l'Autorité palestinienne, Mahmoud Abbès. Ce dernier avait réaffirmé les engagements palestiniens contenus dans la feuille de route et plaidé pour la création d'un Etat palestinien, soutenu par la mise en œuvre d'un véritable plan de paix. La position palestinienne s'inscrit en outre à l'opposé de l'entêtement de Netanyahu et de son Exécutif. Affichant une position de défi face aux exigences américaines, ils continuent à faire dans la provocation et l'arrogance en rejetant l'application du droit international. A travers sa prise en charge du dossier israélo-palestinien, selon une approche qui s'inscrit a contrario de celles de ses prédécesseurs, Obama transmet des signes d'espoir au monde musulman au sein duquel il a très rapidement suscité un fort courant de sympathie, sans que pour autant la teneur de ses propos ne soient pour le moment suivie d'actes concrets sur le terrain. Le discours du Caire devrait révéler les principaux indicateurs de la nouvelle politique américaine dans la région, bien qu'aucune information digne d'intérêt n'ait été portée à la connaissance du grand public. A défaut, Washington a annoncé le déplacement dans la région du Proche-Orient de l'émissaire américain George Mitchell, qui devrait intervenir au lendemain du discours d'Óbama. Tandis que les agences de presse font dans les généralités et se contentent d'indiquer que le président américain saisira cette occasion pour faire la promotion de la démocratie, de l'Etat de droit, de la liberté d'expression et de la liberté de religion, «sans chercher à imposer ces valeurs». Pour nobles que soient ces valeurs, Obama sait pourtant que le monde arabo-musulman est dans l'attente d'importantes décisions articulées principalement autour de la concrétisation de tous les droits des Palestiniens, estiment les observateurs. C'est le dur exercice auquel il doit se prêter pour répondre à cette attente, préserver les intérêts de son pays dans la région et ménager Israël qui demeure malgré tout son principal allié. Un vaste programme dont les principales caractéristiques pourraient être énoncées à partir du Caire.