La dernière session extraordinaire du comité central du FLN fut tout à fait ordinaire. Comme aurait dit un certain Chirac, la tentative des «redresseurs», menée par un solide cacique du vieux parti pour «assainir» le parti, a fait «pschitt». Elle a fait «tchoufa», comme on disait naguère à Bab El Oued, en pataouète anisé, pour parler poétiquement d'un flop. L'échec des bonnes consciences qui estimaient que l'actuel comité central est mal élu, sous-entendu qu'il y aurait eu quelques cooptations clientélistes comme le FLN en avait la rance habitude, est patent. Les frondeurs, dont l'immarcescible Salah Goudjil, en auront eu pour leurs frais. A la grande majorité des voix, le comité central, qui a vu dans leur action un «travail fractionnel», a estimé qu'elle relevait, tout compte fait, des instances disciplinaires du parti. Normal, banal même. Dans tout parti, sous des cieux démocratiques ou même sous des chapiteaux qui le sont beaucoup moins, en dehors du parti et hors consensus, point de salut. Quelque chose dans l'attitude du secrétaire général Abdelaziz Belkhadem, qui a dialogué avec ses contempteurs avant l'ultime recours au comité central, dit aujourd'hui que le FLN se normalise. Bref, se banalise, vire à l'ordinaire, dans le sens où il serait devenu un parti fonctionnant selon des règles acceptables et acceptées. D'autant plus agréées que le parti a fait preuve de discipline et de loyauté à l'endroit de son SG contesté. En somme, un parti bien dressé devant les «redresseurs». Mieux même, l'échec des redresseurs-rédempteurs montre qu'il n'y avait pas eu cette fois-ci de «complot scientifique» comme ceux jadis savamment ourdis contre Abdelhamid Mehri et Ali Benflis. Le premier, on s'en souvient, avait fait les frais de sa volonté de démocratiser le parti et de l'émanciper de toutes ses férules et de tous ses saints tutélaires. Le second, lui, a payé pour avoir eu les yeux politiques plus gros que son ventre de technocrate. Et, surtout, de s'être dressé sur le chemin de son tuteur, semble-t-il, son bienfaiteur également. Mais, s'agissant de Abdelaziz Belkhadem, politique madré et au front bien marqué, l'histoire est tout autre. La démarche de ses «redresseurs» intervient à un mauvais moment pour eux, c'est-à-dire à une époque où le régime semble avoir des velléités de démocratisation du Système. Est-ce à dire pour autant que le FLN, qui n'a jamais été un parti au pouvoir mais une formation du pouvoir, au service du pouvoir, est bon pour le musée de l'Histoire, comme c'est le souhait ardent de tant d'adversaires ou même d'ennemis comme lui-même en dénombre encore, ici et ailleurs ? S'il s'enracine dans l'histoire révolutionnaire du pays, le FLN n'est pas forcément une relique historique, entendons-nous bien. Certes, c'est un parti qui n'est pas encore tout à fait démocratique, mais qui n'est plus tout à fait antidémocratique, admettons-le aussi. Il apprend, il évolue. Il a même ritualisé des universités d'été et, conformément aux recommandations du Prophète, est allé jusqu'en Chine pour y apprendre la science de la prospective politique auprès du plus grand parti stalinien de l'Histoire, le tout-puissant PCC ! Et, aussi étonnant et paradoxal que cela puisse paraître, le «Front» est le parti qui renouvelle le plus régulièrement ses instances et ses dirigeants. Qu'en on juge : depuis sa création en 1954, et depuis l'Indépendance, il a eu 5 présidents et 6 secrétaires généraux. Alors même que le plus vieux parti démocratique algérien, le FFS, l'autre Front, n'a eu et n'a depuis toujours qu'un seul chef, même si derrière son ombre historique, il a eu moult secrétaires délégués. Paradoxe algérien qui veut que les partis prétendument démocratiques - et il y en a beaucoup - n'aient depuis leur création qu'un ou qu'une guide inamovibles. Des leaders éclairés, dotés d'une légitimité inoxydable qui a un nom bien algérien : le zaïmisme, à savoir le leadership de droit démocratique divin ! Quant à lui, le FLN n'est plus un parti unique mais il s'avère unique dans son genre étant donné qu'il respecte au moins les… formes démocratiques. Pour toutes ces raisons, il ne faudrait peut-être pas désespérer beaucoup d'une formation machiste mais qui promeut, comme un féministe déterminé, la discrimination positive à l'endroit des femmes, prônant pour ces dames des quotas de 30% dans les assemblées élues. Rien que pour ça, tressons-lui un petit laurier démocratique, au moment même où ses critiques les plus éreintants lui proposent des chrysanthèmes comme passeport pour le musée de l'Histoire. N. K.