«C'est une question de bon sens. Si les émeutes et la peur se propagent sur Facebook et Twitter, fermons-les pendant une heure ou deux, puis remettons-les en ligne. Ce ne sera pas la fin du monde.» Alors que les organisations de défense des droits de l'homme, comme Reporters sans frontières, ont vivement réagi aux annonces du Premier ministre David Cameron qui souhaite «priver les émeutiers» de réseaux sociaux, d'autres députés britannique, comme la conservatrice Louise Mensch, sont montés au créneau pour défendre la proposition.Le premier ministre avait annoncé jeudi travailler avec les services de renseignement et les constructeurs sur la manière dont une telle proposition - peu réaliste et techniquement complexe - pourrait être mise en place. Mais pour la députée, la principale raison pour laquelle il serait bon que le gouvernement dispose d'un «bouton d'urgence» pour couper les réseaux sociaux serait de faciliter le travail de la police. Démentir les rumeurs en temps réel «La police [de ma circonscription] m'a parlé du temps et des ressources perdues pour répondre à de fausses rumeurs liées aux réseaux sociaux», a détaillé la députée sur son compte Twitter, dont elle est une utilisatrice active. «Les personnes qui tweetent devraient y réfléchir à deux fois avant de'utiliser le mot ‘rumeur' dans un message [...] Ces rumeurs sans fondements se transforment en appels au 999 [le 112 britannique]». Mais pour les policiers, le fait que les réseaux sociaux puissent propager des rumeurs ne doit pas masquer le fait qu'ils les aident aussi à les démentir. Twitter a permis aux policiers «de rassurer directement le public» et de «mettre un terme à des rumeurs», a estimé Kevin Hoy, le responsable Web de la police de Manchester, interrogé par le Guardian. La police de Manchester n'en est pas à son coup d'essai en matière de réseaux sociaux : l'an dernier, elle avait utilisé ses comptes Twitter et Facebook pour faire «vivre» en direct aux habitants la somme de stress, de misère sociale - et, parfois, d'absurdité - qui fait le quotidien des officiers qui répondent aux appels du 999.Particulièrement active sur le réseau social, la police du grand Manchester a effectivement utilisé les réseaux sociaux pour confirmer ou démentir des informations durant toute la semaine. Elle a également sollicité les presque 100 000 abonnés à son compte pour tenter d'identifier des suspects, en demandant régulièrement aux internautes de dénoncer les personnes qu'ils reconnaîtraient sur les images. Avec une certaine efficacité, si l'on en croit la police, qui a également mis en place des bus qui circulent avec un grand panneau sur lequel sont affichées les photos. «Un autre homme vient de se rendre après qu'un ami ait vu sa photo sur le bus et lui ait dit que son visage était partout et qu'il ne pouvait pas se cacher», relate la police. Cette recherche de suspects via Internet a été mise en place par d'autres services de police, mais les forces de l'ordre de Manchester sont allées plus loin dans la transparence en décidant de publier sur leur compte Twitter toutes les sentences prononcées par les tribunaux contre les émeutiers. Le 11 août, la police annonce la couleur : «Nous avions promis que nous donnerions les noms de tous ceux qui ont été condamnés pour leur implication dans les violences - c'est parti». Suit une liste de noms et de peines de prison : Jodan, 20 ans, six mois de prison ferme pour port d'arme ; Stefan, 19 ans, quatre mois ferme pour le vol d'un violon ; Paul, trois mois et demi de prison ferme pour l'agression d'un policier. «Name and shame» C'est la stratégie qu'a suivie la police : «name and shame», «nommer et faire honte». La publication de ces noms, systématiquement accompagnés de l'adresse et de la date de naissance des condamnés, a mis mal à l'aise une partie des internautes, qui s'en sont plaint auprès des forces de l'ordre. Mais ces dernières rappellent qu'elles ont simplement publié sur Twitter des informations publiques, par ailleurs librement consultables sur leur site Internet ou dans la presse. Quand à l'adresse et à la date de naissance, elles doivent obligatoirement être mentionnées pour ne pas incriminer injustement d'éventuels homonymes.Dans un cas, cependant, la police de Manchester a reconnu avoir outrepassé ses prérogatives. Dans un message publié dimanche, la police annonçait qu'une mère de famille avait été condamnée pour recel : «Mère de deux enfants, pas impliquée dans les violences, condamnée à cinq mois de prison pour avoir accepté des vêtements pillés dans un magasin. Il n'y a pas d'excuses !» Confronté à une série de messages très critique, la police de Manchester a finalement supprimé son message, reconnaissant que si les condamnations sont publiques, la police n'avait pas à commenter des décisions de justice.En Grande-Bretagne, où les lois sur la présomption d'innocence ou la vie privée sont assez différentes des lois françaises, la police publie régulièrement des informations qui restent confidentielles dans l'hexagone. Des cartes de la criminalité, quartier par quartier voire rue par rue, sont ainsi librement consultables depuis le début de l'année. Avec plus de 75 000 visites par minute, le site Police.uk était tombé en panne à son lancement, submergé par les requêtes.La réciproque est vraie pour les policiers eux-mêmes, soumis à une obligation de transparence: en vertu du Freedom of information Act, qui oblige les services publics à répondre aux questions des citoyens sauf en cas de force majeure, la police de Manchester publie sur son site Internet des informations très détaillées sur son budget, le coût de ses véhicules, le nombre d'heures supplémentaires effectuées, les condamnations d'officiers pour des délits ou les résultats des tests de dépistage de drogue.